Les techniques de lance, les débits et les outils, constituent
une part importante de la problématique incendie. Mais
il est clair que la tactique d'approche d'une structure est sans
doute un point encore plus important, surtout lorsque l'effectif
est réduit. Dans ce cadre, le choix et la mise en oeuvre
des établissements («dérouler les tuyaux»)
posent souvent problème. Bien que ce soit l'action de base
du sapeur-pompier, le choix de la méthode est dicté
par les habitudes, mais rarement par l'efficacité, alors
même que ce n'est qu'une opération de transport.
Son étude doit donc faire appel à des notions d'ergonomie,
en y associant des impératifs d'efficacité et de
sécurité, dans le cadre de l'extinction.
Il faut déterminer les besoins, puis tenter de trouver
une solution fiable et efficace pour mettre en oeuvre les moyens
permettant de répondre à ces besoins. En clair,
quels tuyaux, pour quoi faire et comment!
Le choix des tuyaux
Quel que soit le pays, il existe généralement 3
sortes de tuyaux, sachant que nous ne parlons ici que des tuyaux
sur lesquels nous connectons des lances à eau, à
main.
-Les tuyaux semi-rigides, placés sur des dévidoirs
fixés sur les engins incendie. Sortes de gros tuyaux d'arrosage,
ces systèmes prennent le nom de booster-line chez les Anglo-Saxon,
de HP ou de mitraillette chez les Belges, de LDT chez les Français
etc... Généralement leur longueur est de 60 à
80m (parfois moins) et leur diamètre de 20 à 25mm.
-Les tuyaux souples de petit diamètre (40 à
45mm). Disponibles en différentes longueurs (généralement
20m) ils sont connectés entre eux par un système
de raccords (demi-raccords, raccords STORZ, raccords filetés
etc)
-Les tuyaux souples de gros diamètre, généralement
de 70mm. Ils sont également disponibles en longueurs de
20m (généralement) ou de 40m et sont également
munis de raccords pour les connecter entre eux.
Par commodité nous parlerons de tuyau de «45»
et de «70». Pour choisir les tuyaux à mettre
en place, il y a deux manière de voir les choses:
1 - se préoccuper de l'aspect hydraulique
2 - se préoccuper de la facilité de mise
en oeuvre
Aspect hydraulique
Un établissement, c'est un système de tuyaux, qui
va permettre d'amener de l'eau d'un endroit à l'autre.
Rien de plus.
Pourquoi amenez de l'eau? pour la déverser sur une zone
chaude. Pourquoi faire? Pour que cette eau monte en température,
se vaporise, absorbe une grande quantité d'énergie
et refroidisse efficacement cette zone chaude.
Cette zone est généralement un feu, donc une zone
qui produit de l'énergie, donc quelque chose de «réactif».
Le feu produit de la chaleur, de façon continue. Comme
la lumière de l'ampoule électrique: l'énergie
va jusqu'à l'ampoule et celle-ci éclaire, mais cette
transmission d'électricité est continue. Dés
qu'elle s'arrête, la lumière disparaît. Idem
pour le feu: il produit l'énergie en continue et la seule
solution pour l'arrêter est d'absorber de façon instantanée
plus d'énergie qu'il n'en produit ou du moins une quantité
suffisante. L'extinction est donc un phénomène quasi-immédiat,
qui va nécessiter une absorption d'énergie importante
donc l'envoi d'une importante quantité d'eau en peu de
temps.
Schématiquement, nous pouvons dire que le débit
instantané de la lance va déterminer l'ampleur du
feu contre lequel le porte lance pourra lutter ou contre lequel
il pourra se protéger. Il existe des modes d'attaques permettant
d'utiliser un plus petit débit, mais en cas de problème,
un gros débit sera nécessaire.
A ceci s'ajoute le fait que dans un local (cas qui nous préoccupe
ici), les feux sont dépendants du comburant (voir
article correspondant) et que le combustible est essentiellement
gazeux. La propagation est fulgurante et il est matériellement
impossible de changer de moyens hydrauliques lorsque le danger
survient : soit le porte-lance a la lance qui lui offre le débit
permettant de lutter, soit il subira.
Le choix est d'autant plus délicat que le laps de temps
durant lequel une telle puissance thermique est imaginable (donc
la période de danger) est très court. Sur un feu
d'une heure, nous pouvons estimer que la puissance maximale durera
tout au plus quelques secondes. Mais sans les moyens hydrauliques
suffisants ces secondes seront fatales. Un peu comme lorsque nous
roulons en voiture: sur un trajet de 1000km, le temps durant lequel
la ceinture de sécurité sera nécessaire sera
peut-être nul. Et en cas d'accident, cette durée
de «nécessité» de la ceinture ne sera
que de quelques secondes. Mais sans la ceinture, ces quelques
secondes seront fatales.
Compte tenu de la puissance thermique absorbable par un litre
d'eau et de la puissance thermique que peux générer
un incendie actuel, dans un local, un débit de 350lpm à
400lpm constitue un minimum en dessous duquel la survie en cas
de problème, est impossible (et encore, ceci est pris sur
un local de petite surface avec un porte lance particulièrement
efficace).
Sachant que les lances montées sur tuyaux semi-rigides
sur dévidoirs fixes, permettent d'obtenir au maximum un
débit de l'ordre de 100 à 200lpm, il est clair qu'elles
sont insuffisantes.
Pour une sécurité maximale, l'idéal serait
d'avoir des lances montées sur des tuyaux de 70, qui, de
part leur diamètre, réduisent fortement les pertes
de charges et permettraient ainsi d'obtenir des débits
instantanés importants. Mais la maniabilité pose
problème, compte tenu du poids de ces tuyaux une fois remplis
d'eau. D'un point de vue hydraulique (capacité d'extinction
et protection du personnel,) les tuyaux souples de «45»
offrent donc un bon compromis.
Facilité de mise en oeuvre
A l'arrivée sur les lieux, la première idée
qui vient à l'esprit est de mettre en place, le plus rapidement
possible, des moyens permettant de verser de l'eau sur le feu.
A ce petit jeu, ce sont les lances sur tuyaux semi-rigides qui
ont la préférence car elles sont (ou du moins, elles
semblent) plus rapides à installer. Ayant pris plus ou
moins conscience de leurs limites, certains pays les ont réglementairement
interdites (cas de la France) pour les feux de locaux. Elles
continuent néanmoins à être utilisées
à cause d'une ambiguïtés entre «local»
et «structure» (voir plus bas) et restent les lances
«de bases» dans de nombreux autres pays.
Mais deux points sont à prendre en compte :
1 - Ce n'est pas la durée de mise en oeuvre qui
importe, mais la différence de durée de mise en
oeuvre entre des lances offrant des débits différents.
S'il faut 2 minutes pour mettre en oeuvre une lance offrant 150lpm
et 3 minutes pour mettre en oeuvre une lance débitant 500lpm,
cela ne fait qu'une minute d'écart. Or il est généralement
estimé qu'un feu que l'on ventile, double de puissance
toute les minutes. Avec une lance à 150lpm, nous n'avons
pas droit à l'erreur et quelques secondes de trop vont
laisser le feu développer une puissance supérieure
à ce que la lance peut traiter. Par contre, même
en mettant 1 minute de plus pour obtenir 500lpm, la marge en terme
de débit compense largement cette minute supplémentaire.
2 - La comparaison, en matière de facilité,
se fait entre un système sur dévidoir, très
simple et fréquemment utilisé (grande habitude)
et des tuyaux souples, mis en oeuvre avec des méthodes
qui ont rarement été optimisées (tuyaux roulés
simples ou doubles). Si nous voulons véritablement comparer
les durées d'établissements et la facilité,
nous devons commencer par optimiser les deux manières de
faire pour ensuite les comparer objectivement.
Un point de vue «commandement»
Au-delà d'un aspect «thermique - hydraulique»,
le choix met aussi le commandement face à ses responsabilités.
Prenons une suite de qualificatifs et voyons s'ils sont plus adaptés
aux tuyaux semi-rigides ou aux tuyaux de «45».
Type |
Avantages |
Lance sur tuyaux semi-rigides |
- Facilité de mise en oeuvre
- Facilité de rangement
- Vitesse de mise en oeuvre
- Apprentissage limité
- Facilité de nettoyage
|
Lance sur tuyaux souples,
de 45mm |
- Débit pour l'extinction
- Débit pour la protection
|
A priori, l'avantage va aux tuyaux semi-rigides. Pourtant la
mission du sapeur-pompier consiste à éteindre le
plus vite possible donc à déverser le plus d'eau
sur le feu en un minimum de temps, tout en assurant sa sécurité.
Or force est de constater que ces deux paramètres (extinction
et protection) sont en faveur du «45» et pas du semi
rigide (HP, LDT...). Le fait que le tuyau soit plus facile à
ranger ou non, n'a pas à être pris en compte: le
choix porte sur l'efficacité et la sécurité,
pas sur une soit-disant facilité de rangement ou de nettoyage.
En cas d'accident, difficile d'imaginer qu'un Juge puisse accepter
comme excuse pour la mise en oeuvre de moyens hydrauliques notoirement
insuffisants, le fait que ceux-ci étaient plus «faciles
à ranger»!
Même si la mise en place d'un établissement offrant
un fort débit n'est justifiée que dans le cadre
d'un danger et uniquement pour sauver une vie, c'est un argument
largement suffisant pour justifier l'abandon des autres moyens
hydrauliques, à trop faible débit.
Organisation du Travail - Ergonomie
Sans rentrer dans des considérations de type OST (Organisaton
Scientifique du Travail), il est néanmoins nécessaire
d'analyser les gestes, postures et déplacements réalisés
lors de la mise en oeuvre des tuyaux. Si l'employeur a intérêt
à ce que ses ouvriers travaillent vite, bien et sans accident,
il en est de même pour le Chef d'Agrès: plus son
équipage exécutera rapidement et correctement les
ordres données, plus la mission aura des chances de réussir.
Cette exécution ne doit pas être trop fatigante:
si après avoir déroulé 2 tuyaux, les intervenants
sont essoufflés, ils consommeront beaucoup d'air et ne
seront plus aussi performants. Le but est de travailler dans des
conditions optimales de sécurité, avec une vitesse
et une efficacité maximale mais aussi avec une fatigue
minimale et un risque d'accident minime.
Les choix ergonomiques ont un impact majeur sur de nombreux éléments:
fatigué, cassé par des opérations durant
lesquels le manque de gestion et d'analyse des gestes, l'oblige
à forcer, le sapeur-pompier sera tenté de faire
les déblais sans tenue de feu, de grimper sur le toit sans
s'attacher, de retirer ses gants pour rouler les tuyaux etc..
Progressivement, le niveau de sécurité diminuera
tandis que les accidents augmenteront.
Mettre en place quelque chose d'un endroit à un autre,
qu'il s'agisse d'un tuyau d'incendie, d'un tuyau d'arrosage ou
d'une rallonge électrique, participe de la même logique.
Il existe 4 modes de déplacements:
Déplacement sans rien porter. L'individu se déplace
d'un point à l'autre, sans rien porter. Il retourne au
robinet pour ouvrir, à l'interrupteur pour allumer. La
fatigue dépend de la distance à parcourir mais
augmente assez peu avec cette distance puisque rien n'est porté.
Nous appellerons cette action «Déplacer».
Déplacement avec transport. L'individu porte
des objets d'un endroit à un autre. C'est le transport
des tuyaux. La fatigue est dépendante de la distance à
parcourir. Elle augmente aussi en fonction du poids et de la facilité
de portage. Nous appellerons cette action «Transporter».
Quelques nuances : si le portage se fait de façon dissymétrique
(deux tuyaux portés à droite par exemple), il sera
plus fatiguant que s'il se fait de façon symétrique
(un tuyau sur l'épaule droite, un sur la gauche). A ceci
s'ajoute l'équilibre. Le mouvement des bras est souvent
utilisé pour se «rattraper» lorsque l'on trébuche:
on tend le bras dans un sens ou dans l'autre pour ré-équilibrer
le corps et en cas de chute, les mains sont mises en avant de
façon réflexe. Si le portage occupe les mains, il
devient difficile de se ré-équilibrer et les chutes
seront plus graves.
Déplacement en tirant. Le tuyau d'arrosage est
sur un emplacement fixe et le jardinier tire dessus pour aller
au bout du jardin. Pour le sapeur-pompier, c'est la mise en oeuvre
d'un tuyau sur dévidoir fixe (donc la HP, la LDT, les booster
lines...). La fatigue augmente avec la distance, mais son augmentation
est importante : plus la distance augmente, plus l'effort à
fournir est grand car le tuyau tombe par terre et le frottement
augmente de plus en plus. A ceci s'ajoute le fait que les obstacle
sont rapidement pénalisant: serpenter entre des objets,
monter un escalier devient vite pénible du fait de cette
augmentation de poids et de frottement. Sur ce mode de mise en
place, le début de l'action est rapide, mais cette action
se ralentit rapidement. Nous nommerons cette action «Tirer».
Déplacement en déposant. Très courant
dans les pays Nord Américains. Consiste à transporter
et à déposer au fur et à mesure du déplacement.
C'est ce qui se passe lorsque nous nous déplaçons
avec la rallonge électrique sur un petit dévidoir
et que nous déroulons le fils tout en nous déplaçant.
Pour les tuyaux incendie, c'est ce qui se passe lorsque l'on utilise
une caisse ou des tuyaux en écheveaux (voir plus bas).
Nous nommerons cette action «Déposer».
De toutes évidences, le système le plus fatigant
c'est le «Tirer». Il faut donc l'éviter
surtout pour des tuyaux «en eau». Pour les autres,
ils vont en partie dépendre du sens d'établissement,
qui dépend des habitudes. Ainsi en France il est traditionnel
d'établir du feu vers l'eau alors qu'en Suisse, c'est l'inverse!
Local et structure
Si établir consiste à placer un tuyau d'un endroit
à une autre, encore faut-il déterminer avec précision
ces deux endroits. Pour la source, c'est assez simple : c'est
l'engin ou la division, donc le point d'eau. Pour la destination,
c'est moins évident. Dans de nombreux cas, il y a confusion
entre la notion de «local» et la notion de «structure».
Nous parlons de «feux de locaux», ce qui tend à
faire croire que le point à partir duquel l'action va
commencer, c'est la porte du local en feu (la chambre par exemple).
Or, toutes les analyses d'accident démontrent que ceux-ci
ne surviennent pas à cet endroit, mais bien avant. Le
danger commence dés qu'il y a un plafond («Plafond
= Attention !»). Dans une maison individuelle, ce sera
donc la porte d'entrée (celle qui donne «sur la
rue») qui sera le point de départ de la zone de
danger. Pour un feu d'appartement, en étage, les choses
sérieuses commenceront un demi-étage sous l'étage
auquel se trouve l'appartement impliqué. C'est pour cette
raison que nous préférons parler de feux dans une
structure plutôt que de feux de locaux. Les moyens hydrauliques
devront être installés, mis en eau et vérifiés
à la porte la maison (si nous prenons le cas d'une maison
individuelle). A partir de cet endroit, nous ne seront plus en
«établissement» mais en «progression»,
opération faisant l'objet d'une méthode différente
(voir
l'article sur ce sujet). La vitesse et le mode d'établissement
ne vont donc concerner que la portion qui sépare le point
d'eau de ce point de début de progression. Réduire
la longueur de progression en allongeant l'établissement,
(en installant les tuyaux dans les couloirs de l'habitation ou
en courant dans ces couloirs, par exemple) pour se rapprocher
de la pièce en feu, est une solution extrêmement
dangereuse !
Le mode d'établissement n'a donc pas d'influence sur la
progression. Dans notre cas, et afin de ne plus avoir d'ambiguïté,
nous ne parlerons donc plus de «point d'attaque»
mais de «point de progression», nommant ainsi le
point à partir duquel commencera la progression, avec
moyens hydrauliques actifs. |
Les différents méthodes
Il n'existe pas de solution miracle. L'idéal est sans doute
d'utiliser plusieurs méthodes, et de choisir suivant les
circonstances. Nous allons voir trois solutions :
- Le dévidoir fixe
- Les systèmes avec tuyaux en écheveaux, tirés
à partir du camion.
- Les systèmes avec portage (caisse, sac, tuyaux sur épaule...)
Le dévidoir de 45
C'est une solution qui utilise le matériel existant et
ne change pas les habitudes. Dans le cas des engins incendie avec
deux lances à tuyaux semi-rigides, sur dévidoir
(booster line, HP, LDT) il suffit de retirer les tuyaux d'un des
dévidoirs et de mettre à la place des tuyaux de
45 pré-connectés. La lance est également
pré-connectées. Les 10 derniers mètres (donc
juste à la lance) peuvent êtres pliés sous
forme d'un petit écheveaux, maintenu par un velcro ou un
caoutchouc. Ainsi, en tirant la lance, le porte lance emmène
avec lui une réserve. Cette solution est très adaptée
aux établissements de plein pied.
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A gauche un engin incendie sur lequel un dévidoir
existant a été chargé avec des tuyaux de
45, permettant au personnel de profiter de l'enroulage automatique (Montigny-les-Metz - France).
A droite, un engin modifié. Un dévidoir a été
ajouté dans le coffre latéral arrière droit (Ottange - France) . Un trou a été réalisé à
l'arrière, pour permettre le passage du tuyau. Un peu
de bricolage, mais la preuve que quand on veut, on peut ! |
Les écheveaux tirés à partir du camion
C'est une solution qui fonctionne aussi bien
pour des tuyaux de 45 que pour la mise en oeuvre des tuyaux de
70, donc les établissements entre le camion et la division,
ou entre le poteau (ou borne) incendie et l'engin. Les tuyaux
sont rangés en couches, superposés ou juxtaposés.
Les longueurs sont reliées entre elles. Généralement
on prend plusieurs épaisseurs d'un coup, et on tire. Une
solution, parfois observée aux USA, consiste à
tirer une certaine longueur, à la connecter, puis à
faire avancer le camion. Cette solution est intéressante
lorsque la prise d'eau (poteau, borne) est éloignée
et que l'engin incendie passe devant. Ce système n'est
pas possible avec tous les engins, sauf à réorganiser
ceux-ci, ce qui n'est pas toujours évident. En tout cas,
c'est une solution très simple pour la mise en oeuvre
des tuyaux de 70 et en tout cas beaucoup moins fatigante que
les tuyaux roulés. |
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Les systèmes portés : sur l'épaule, sacs,
paniers et caisses
Dans ces méthodes, le sapeur-pompier transporte les tuyaux
et les dépose au fur et à mesure de son déplacement.
Ce sont les solutions les plus rapides et les plus efficaces,
d'autant plus qu'elles sont utilisables quelque soit la configuration
du terrain : les obstacles, les escaliers, les dénivellations
ne présentent aucun problème. Nous constatons que dans la quasi-totalité des systèmes portés, les tuyaux sont rangés en écheveaux, c'est à dire pliés sur eux-mêmes. Il faut en effet un système de rangement qui va maintenir les tuyaux et en même temps permettre de les déposer tout en se déplaçant. Or, les tuyaux «roulés» ne le permettent pas.
Les écheveaux épaulés. Les tuyaux, pliés
sur eux-mêmes en écheveaux, sont transportés sur l'une ou les deux
épaules. Ils sont rangés dans des coffres, ou sur
le parc-choc du véhicule. Lorsque l'on plie les tuyaux,
ils sont retenus entre eux soit par un velcro, soit par un caoutchouc
(morceau de chambre à air par exemple). Il est également
possible de transporter ces tuyaux avec des sangles que l'on passe
sur l'épaule.
Pour déposer les tuyaux, il suffit de les raccorder puis
d'avancer : ils seront alors déposés au fur et à
mesure du déplacement.
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A gauche, tuyaux en écheveaux avec
systéme de sangle avec velcro, pour portage à l'épaule.
A droite, écheveaux simples à porter sur les épaules.
Les tuyaux sont retenus par de simples caoutchoucs, découpés
dans des chambres à air. |
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A gauche, tuyaux en écheveaux
sur le parc-choc d'un engin incendie (Canada). A droite, mode
d'établissement pour les bâtiments à étages:
écheveaux et sac pour le matériel complémentaire
(Mons - Belgique). |
Le sac d'attaque. C'est une solution
qui a été essayée à la Brigade des
Sapeurs-Pompiers de Paris, mais qui est en passe d'être
abandonnée entre autres à cause de la détérioration
des sacs. Le sac d'attaque comprenait 3 longueurs de tuyaux de
45, une lance et quelques accessoires. Dans le sac, les tuyaux sont rangés en écheveaux. Rendu au point de dépôt,
l'un des hommes ouvrait le sac sortait la lance, une longueur
de tuyau puis repartait, en tirant le sac, vers la division.
Le sac frottait donc sur le sol, ce qui en diminuait fortement
la durée de vie. Autre inconvénient, le sac avec
les trois tuyaux était plutôt lourd. Dans le cadre
d'une unité incendie comme la Brigade, la nécessité
d'avoir une excellente condition physique ne posait pas de problème,
mais sur de nombreux autres secteurs, cela peut constituer une
difficulté. A noter que le sac peut se porter à
deux, mais qu'il n'a jamais été utilisé
pour porter autre chose que des tuyaux de 45, le poids des tuyaux
de 70 ne permettant pas d'utiliser ce système pour les
transporter. |
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Paniers métalliques. Utilisé en Suède,
ce principe consiste à placer les tuyaux là encore, pliés en écheveaux, dans des sortes
de paniers métalliques, verticaux. Il suffit de se déplacer
avec le panier pour que le tuyau se déroule progressivement.
Avantage ? Le rangement. Inconvénient ? il faut des paniers
métalliques ! de plus ce système semble limité
aux tuyaux de 45 car sinon cela devient trop lourd et la charge
n'est pas répartie.
Caisses. La solution des caisses est, avec les tuyaux
en écheveaux sur épaule, la solution sans doute la plus efficace.
Elle consiste à prendre des caisses en plastique et à
y ranger des tuyaux, pré-connectés, en petits écheveaux
placés les uns sur les autres. Il est possible de faire
des caisses avec des tuyaux de 45, des tuyaux de 70, un mélange
des deux etc... toutes les combinaisons sont possibles.
Pour le rangement, pas besoin de modifier l'aménagement
des engins. Ranger un peu mieux les accessoires permet souvent
de gagner assez de place pour ranger au minimum une ou deux caisses.
Le transport se fait à deux, avec une bonne répartition
des charges et comme les caisses existent en toutes tailles,
il est possible d'en faire des petites (60m de tuyaux de 45)
jusqu'à de très grosses (100m de 70 par exemple)
avec tous les variantes possibles.
Ci-contre, rangement de tuyaux de 45 dans une caisse (St
Ghislain - Belgique)
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Quelques exemples
Voici quelques exemples de mise en oeuvre. Il est bien sûr
possible d'en trouver d'autres, mais à chaque fois une
petite étude «au tableau» permettra de faire
une petite analyse préalable, plus efficace qu'un grand
nombre d'essais, pas toujours concluants, mais toujours fatigants.
Le point commun, c'est que ces types d'établissement nécessitent
du personnel en nombre réduit. Dans le cas d'un personnel
présent en nombre plus important, cela permet de mettre
en oeuvre plusieurs actions simultanées. Ceci étant,
il y a de nombreux pays dans lesquels, sur les petits secteurs,
les départs à 4, voir à 3 sont fréquents.
Avec ces méthodes, même en cas de sous-effectif,
les intervenants bénéficieront de moyens hydrauliques
puissants.
Exemple 1: Plein pied sans obstacle - Dévidoir de
45
120 m de tuyaux, la dernière longueur est en écheveau,
connecté au reste. La lance est également pré-connectée.
Le porte lance prend le petit écheveau (qui sert donc de «réserve») et la lance, puis part
au point de progression. L'équipier tire sur le tuyau jusqu'au
raccord, prend celui-ci et suit le porte lance. Le conducteur
aide en tirant sur le tuyau (donc fait tourner le dévidoir).
Lorsque le binôme est au point de progression, le conducteur
continue à dérouler jusqu'au prochain raccord, déconnecte
celui-ci, le branche sur sa pompe et met en eau.
Exemple 2 - Eau vers feu - Caisse avec du 45
Lorsque le point de départ de la progression est évident
à définir, il est possible d'établir du sens
eau vers feu. C'est le cas lorsque l'habitation a une seule porte
d'entrée par exemple. Dans ce cas le binôme sort
la caisse du coffre de l'engin, donne le raccord au conducteur
et part au point de progression. Pendant ce temps le conducteur
branche le raccord à sa pompe et se dirige vers le point
de progression. Lorsque le binôme est rendu à ce
point, le porte lance vide la caisse, garde (ou non) toutes les
longueurs pour sa réserve, et connecte sa lance. Son équipier
retourne vers l'engin pour indiquer au conducteur qu'il peut mettre
en eau. Dans l'immense majorité des cas, ce trajet de retour
vers l'engin sera limité, puisque le conducteur viendra
à la rencontre de l'équipier. Ce système
fonctionne avec une équipe de 3 hommes. Dans le cas d'une
équipe de 4, l'officier qui a accompagné le binôme
va revenir vers l'engin pour donner l'ordre d'alimentation. Et
en cas de moyens radios, même pas la peine de se déplacer
! C'est ce type d'établissement qui a été
utilisé dans la course «HP - 45» (voir plus
bas)
Exemple 3 - Feu vers eau - Caisse avec du 45
Dans le cas ou le point de progression n'est pas visible, les
choses sont un peu différentes. L'idéal est de partir
à trois vers ce point «supposé». Avec
une équipe de 3, le conducteur et l'équipier prennent
la caisse, le porte lance prend la lance. Rendu au point de progression,
l'équipier dépose par exemple 2 longueurs de 45
prises dans la caisse (il suffit d'attraper les premières
«couches» de tuyaux). Pendant que le porte lance étale
ces tuyaux et branche sa lance, le conducteur et l'équipier
retournent à l'engin en portant la caisse, donc en déroulant.
A noter qu'au bout de quelques dizaines de mètres, le conducteur
pourra continuer tout seul. L'expérience a été
faite à St Ghislain (Belgique), ou un sapeur-pompier a
déroulé le contenu quasi complet d'une caisse, en
la tenant juste par une poignée et en la tirant, en trottinant
! Bien sûr, si l'équipe est d'au moins 4 hommes,
c'est l'officier qui va monter au point de progression et pas
le conducteur.
Exemple 4 - Une lance sur division
En mixant les modes d'établissement, il est possible de
réaliser des combinaisons très efficaces. Par exemple
pour un feu d'appartement au 3éme étage, avec une
équipe de seulement trois hommes. Le conducteur et l'équipier
prennent une caisse avec des tuyaux de 70 et une division, le
porte lance prend deux longueurs de 45 en écheveaux sur l'épaule et une
lance. Les trois hommes montent dans les étages. Rendu
sous le niveau en feu, dépôt de la division, le conducteur
retourne à l'engin et ouvre l'eau. Pendant ce temps le
chef déploie ces tuyaux de 45, connecte la lance, puis
la division est ouverte.
Le système de caisse peut également remplacer
le «dévidoir Français» (que l'on tire)
dans le cadre des alimentations d'engin avec des longueurs de
70 pour relier l'engin pompe avec le point d'eau (borne ou poteau
incendie). Il est même possible de mettre deux types de
tuyaux différents dans une seule et même caisse :
des longueurs de 70 d'un côté, une petite cloison
et de l'autre des longueurs de 45. Sur le dessus, une lance et
une division. Au départ le binôme met donc en place
les longueurs de 70, connecte la division, pour ensuite finir
l'établissement avec du 45.
Course HP - 45
Afin de vérifier la rapidité de mise en oeuvre des
tuyaux de 45 en caisse de nombreuses courses ont été
réalisées. L'une d'elles a été filmée.
Elle s'est déroulée mi-2007, sur le plateau technique
de l'Ecole du Feu de Jurbise (Belgique). Des stagiaires, du centre
de secours de Tournai, se sont prêté au jeu : mise
en place d'un établissement sur 50m, en ligne droite, sans
obstacle. D'un côté, deux sapeurs-pompiers de Tournai
avec leur conducteur à l'arrière. De l'autre deux
formateurs «flashover» de l'école avec un autre
conducteur. Le personnel réalisant l'établissement
était en tenue de feu complète, avec ARI sur le
dos etc...
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De gauche à droite et de haut en bas.
Image 1 : L'équipe caisse est en retard. Il a
fallu sortir la caisse du coffre, prendre le raccord et le donner
au conducteur. L'autre équipe est déjà partie
avec la lance HP. Image 2 : 1 seconde après l'équipe
caisse commence à partir. Image 3 : 5 secondes
après l'image 2, l'équipe caisse est déjà
loin. L'équipe «HP» n'apparaît pas encore
( ?!). Image 4 : 8 secondes après avoir donné
le raccord, l'équipe caisse est presque au point d'arrosage.
L'équipe «HP» semble sérieusement ralentir.
Image 5 : 27 secondes après avoir donné
le raccord, l'équipe «caisse» est en train
d'arroser, avec un débit de 500lpm. L'équipe «HP»
n'est pas encore en place. Image 6 : cela fait environ
5 secondes que l'équipe «caisse» arrose, à
500lpm. Il y a déjà eu 40 litres d'eau d'envoyés
sur le feu, alors que l'équipe «HP», épuisée,
n'est toujours pas en place. |
Une autre course a été réalisée
en Décembre 2007, lors d'un exercice à la caserne
de Saint Ghislain (Belgique). Pour cette course, il fallait partir
de l'engin incendie, entrer dans le garage, passer autour d'un
autre engin incendie, ressortir et arroser. L'équipe qui
établissait le tuyau de 45 en caisse n'avait jamais utilisé
un tel type d'établissement alors que l'autre équipe
était bien entraînée à la mise en place
de la HP, lance couramment utilisée dans ce pays. Dés
le départ, et comme à l'habitude, l'équipe
avec la HP a pris de l'avance, d'autant plus que la HP en se déroulant,
gênait l'autre équipe. L'équipe avec la caisse
est donc partie alors que la HP était déroulée
sur plus d'une dizaine de mètres. Au bout de quelques pas,
l'équipe à la caisse a perdu sa lance: normalement
le porte lance devait la prendre à la main, ce qu'il a
oublié de faire, n'ayant pas l'habitude. La lance est donc
tombée et le binôme a continué quelques mètres.
Lorsqu'ils se sont rendu compte de la perte de lance, le porte
lance a continué tout seul avec la caisse, tandis que son
équipier revenait sur ces pas pour chercher la lance. Avec
de tels «ennuis», il semblait difficile de croire
que la HP allait perdre la course. C'est pourtant ce qui s'est
passé: le porte lance avec la caisse a été
rejoint vers la fin par son équipier et ils ont fini en
trottinant, tandis que l'équipe avec la HP se battait avec
le tuyau pour le faire suivre. A l'arrivée, les deux équipes
avaient de l'eau en même temps. Mais l'équipe avec
la caisse disposait de 500lpm et les hommes étaient «frais
et dispo», tandis que l'équipe à la HP débitait
150lpm et que les deux hommes étaient tellement essoufflés
qu'ils ne pouvaient même plus parler...
Face à un feu, en équipe réduite
Force de l'habitude (mettre toujours en place une lance sur tuyau
semi-rigide) et manque de connaissances techniques mettent les
équipes réduites en difficultés face aux
incendies de locaux. Généralement ceux-ci sont très
fumigènes. Lorsqu'ils ne le sont plus vraiment, c'est que
les flammes sortent déjà par les fenêtres.
Incapables de comparer la puissance thermique potentielle avec
la capacité d'absorption des lances dont ils disposent,
les intervenants, en nombre réduit, se contentent alors
de mettre en oeuvre des lances à petit débit, d'arroser
par les fenêtres et d'attendre les renforts. N'atteignant
que maladroitement le feu, avec peu d'eau, ils laissent involontairement
l'incendie progresser et lorsque les renforts arrivent, ce n'est
plus que pour déverser des milliers de litres d'eau sur
un feu qui n'est plus gérable que de l'extérieur
et qui de toutes façons va mourir tout seul, faute de combustible.
Sur la photo de droite, les flammes sortent par la fenêtre. La pièce
est entièrement embrasée et les flammes sortent
par la porte, dans une autre pièce, qui donne dehors.
En arrivant sur place à 3 ou 4, c'est l'attente qui sera
la solution généralement choisie avec un arrosage
par l'extérieur. Dans le cas présent (exercice
feu réel à Mouscron - Belgique), c'est la mise
en oeuvre d'une lance de 45 et une attaque rapide qui a été
choisie, en utilisant les méthodes de passage de porte,
de progression etc...
Durée totale de l'opération : 1min et
15 secondes (15 secondes pour le passage de porte depuis l'extérieur,
10 secondes de progression, 50 secondes d'attaque) avec une consommation
totale d'eau d'environ 60 litres. Lors du déblais, il
a été noté que le plafond s'était
fortement dégradé. Sans une action offensive rapide,
dans les 2 à 3 minutes suivantes le feu se serait propagé
à l'étage, rendant la pénétration
très hasardeuse. Les fumées chaudes auraient propagé
le feu dans les parties supérieures et à l'arrivée
des renforts, la toiture aurait certainement été
fortement atteinte.
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Note : le document «Eau
et feu» explique le calcule de la puissance thermique
absorbable par les lances et ramène cette puissance au
volume des locaux puis à leur surface en se basant sur
des hauteurs de plafonds habituelles (2,40 à 2,50m). Une
lance offrant un débit de 500lpm permet de lutter contre
un feu impliquant totalement une pièce d'environ 40m2,
ce calcul étant fait en prenant la puissance maximale du
feu, ce qui est rarement le cas. Il est donc clair que dans la
très grande majorité des cas, c'est l'attaque rapide
et puissante qui doit primer et pas une «figuration».
Conclusion
Un peu d'imagination, un peu de réflexion, et il devient
possible de trouver des solutions plus rapides, plus simples et
moins pénibles, permettant d'avoir en toutes occasions
des moyens hydrauliques puissants, aptes à assurer la sécurité
du personnel engagé, avec une attaque rapide et efficace.
Dans l'immense majorité des cas, et sauf à se retrouver
face à des surfaces en feu de plusieurs centaines de m2
sur plusieurs étages, la mise en oeuvre de tels moyens
permet d'arrêter le feu avant qu'il ne prenne trop d'ampleur.
Attaquez, vite et fort !
Bibliographie
"Estimation of Rate of Heat Release by Means of Oxygen Consumption
Measurements" par C. Huggett (1980)
"The Relation of Oxygen to the Heat of Combustion of Organic
Compounds" par W.Thornton (1917)
Crédits Photos
Sapeur-Pompiers de Mouscron, Mons, St Ghislan, Rezé, Montigny-les-Metz,
Ottange, Paris, Ecole du Feu de Jurbise.