Nous savons que la ventilation possède un impact important
sur la combustion, puisque la ventilation apporte le comburant
nécessaire. Dans le cadre des phénomènes
explosifs, la sur-pression a également un rôle important.
Dans le cas du backdraft haute-pression, cette sur-pression accroît
sensiblement l'ampleur du phénomène, mais sans pour
autant en allonger la durée. Dans le cas un local sur-ventilé
avec une zone de sortie vers l'extérieure, nous combinons
alors cet effet haute-pression avec une durée du phénomène
qui peut atteindre plusieurs minutes. Analysé depuis peu
de temps, ce phénomène est défini scientifiquement
comme un "
forced-draft" (courant d'air forcé).
Lorsque le feu se produit dans un local dont une fenêtre
est ouverte, deux cas sont possibles :
1 - La fenêtre sert pour la ventilation naturelle. Le comburant
entre en partie basse de la fenêtre, tandis que les gaz
chauds sont extraits par la partie supérieure. La limite
entre ces deux zones (le plan neutre) est généralement
bien visible.
2 - La fenêtre est "perturbée". Cela peut
survenir lorsqu'il y a du vent, soufflant contre l'ouverture.
Dans ce cas, l'entrée d'air continue à se faire
mais l'extraction devient difficile. Il y a alors accumulation
des gaz dans le local et présence d'une forte pression.
Ouvrir une porte ou une autre fenêtre produira une issue
pour les gaz, soit sur une face différente du local, soit
simplement une issue plus favorable. Nous pourrons dire que dans
ce cas, il y a alors phénomène de backdraft haute-pression
(high pressure backdraft).
Dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'avoir un vent
violent : il suffit que celui-ci agisse comme une sorte de "bouchon"
et empêche la sortie des gaz pour que ceux-ci restent dans
le local. Même si la pression dans le local nous semble
souvent énorme, elle ne l'est pas tant que ça et
un vent, même assez faible, peut suffir à perturber
la sortie des gaz chauds.
Nous avons véritablement un backdraft c'est-à-dire
une explosion, donc un phénomène assez court, qui
se produit dans le local impliqué et qui est provoqué
par un ré-équilibrage rapide du triangle du feu.
Dans le cas d'un vent faible, le feu n'étant pas particulièrement
ventilé, il n'a pas produit plus d'éléments
imbrûlés que s'il n'y avait pas eu de vent. Même
si le backdraft haute-pression est plus puissant que le backdraft
"classique", il ne dure pas plus longtemps. Bien sûr,
à la suite de l'explosion il y a souvent propagation, mais
celle-ci est la suite du phénomène et non plus le
phénomène lui-même.
Dans le cas de l'accident de Neuilly, qui a causé la
mort de 5 sapeurs-pompiers de la BSPP (Brigade des Sapeurs-Pompiers
de Paris), le front
de flamme, suite à l'explosion, a duré assez longtemps.
Il semblerait en effet que des éléments présents
aient fondus, alors même que cette détérioration
ne pouvait être produite que par une flamme assez persistante.
L'explication d'une simple explosion, aussi violente soit elle,
ne suffit donc pas, puisque dans ce cas il y a destruction par
l'onde de choc (blast, effondrement) mais pas de dégradation
prolongée par la chaleur, le front de flamme disparaissant
trop rapidement.
Cette persistance du front de flamme suite à une explosion,
n'est pas sans rappeler l'accident de Watt Street [1]. Le 28 mars
1994, les sapeurs-pompiers de New-York ont été appelés
pour un départ de feu dans un petit immeuble. Rendue sur
les lieux, l'équipe de l'échelle a pratiqué
une ventilation par la verrière située tout en haut
de l'escalier. Un groupe de trois hommes est ensuite monté
par cet escalier pour ouvrir la porte de l'appartement dans lequel
se trouvait le feu. A l'ouverture de la porte, il ont déclenché
un backdraft. Ils ont juste eu le temps de battre en retraite
et de descendre quelques marches. Mais la ventilation par la verrière
a permis au front de flamme de monter l'escalier, engouffrant
ainsi 3 autres sapeurs-pompiers qui se trouvaient dans l'escalier,
à l'étage au-dessus.
Mais au-delà du phénomène lui-même,
c'est sa durée qui est la plus étonnante. En effet,
un témoin ayant filmé la scène, il a été
possible de mesurer la durée de présence des flammes
en sortie de la verrière. Alors qu'un backdraft est généralement
explosif et très court, ici les flammes sont restées
présentes plus de 6 minutes.
L'enquête a démontré que c'est la présence
d'éléments fortement combustibles dans le local
qui était responsable de cette forte accumulation de gaz
combustibles, qui ont donc mis longtemps à brûler.
Dans ce cas, les fenêtres de l'appartement impliqué
étaient fermées. Il est également important
de noter que l'immeuble comporte plusieurs étages et que
la porte du bas est restée ouverte. L'escalier se comporte
donc comme une cheminée.
Nous avons donc ici une réserve de gaz combustible,
plus importante que ce qui est habituellement constaté,
associé à un effet de cheminée, par la présence
d'un escalier ouvert en bas et ouvert en haut.
Si nous reprenons le cas de l'accident de Neuilly, nous constatons
qu'une ouverture avait été pratiquée par
les intervenants, à l'étage au-dessus du niveau
de la chambre impliquée. De plus le couloir donne sur l'extérieur. Nous retrouvons donc ici l'effet "cheminée"
de Watt Street, effet déjà décrit dans le
document "Passages d'air associés aux progressions
rapides du feu" [2]. Il y est clairement indiqué
que les ouvertures sont souvent dangereuses, car elle permettent
de "tracer le chemin du feu". Le foyer cherchant toujours
à obtenir du comburant mais en même temps à
extraire les gaz chauds, la moindre ouverture de porte ou de fenêtre,
qu'elle soit réalisée en dessous, au même
niveau, ou au-dessus du feu, va aider celui-ci à définir
ou améliorer le chemin d'entrée du comburant et
/ ou de sortie des gaz chauds.
Le fait d'avoir les deux paramètres c'est-à-dire
la haute-pression et en même temps la sortie des gaz vers
une zone ventilée, favorisée par un courant d'air,
est désormais répertorié sous le terme de
"forced-draft" (courant d'air forcé).
Etudié par l'Université de Manchester[3] ce phénomène
suppose une ouverture dans le local en feu, avec application d'un
vent assez fort sur celle-ci. Dans ce cas, la combustion ne décroît
pas, puisqu'il y a un apport forcé en comburant.
Ce phénomène est d'ailleurs bien connu sur les moteurs
à explosion : l'aspiration de l'air au niveau d'un carburateur,
est dépendant de la pression atmosphérique. Il n'est
donc pas possible d'envoyer plus d'essence, puisque le mélange
deviendra alors trop pauvre en comburant. La solution consiste
à envoyer plus d'air, ce qui permettra d'augmenter également
la proportion de combustible. C'est le principe de base du "turbo",
abréviation de "turbo-compresseur", qui est en
quelque sorte un injecteur à air. Dans le cas d'un local
vers lequel est dirigé un vent assez violent, c'est ce
qui va se passer : la combustion vive continue, en impliquant
une importante quantité de combustible.
- Le local est sous-ventilé et le feu ne progresse plus
: risque de backdraft
- Le feu reste ventilé et peut donc encore progresser
: risque de backdraft haute pressin
- Le feu est sur-ventilé : risque de forced-draft
Non seulement la pression est supérieure à celle
habituellement observée dans le cas d'une combustion, mais
en plus il y a sur-accumulation de produit imbrûlés,
forte montée en température, et impact thermique
sur l'ensemble des éléments présents.
A l'ouverture de la porte opposée, il y aura donc explosion,
production d'un front de flamme, et celui-ci durera très
longtemps, pour pour trois raisons principale:
- Accumulation excessive de gaz imbrûlés. Ceux-ci
vont être présents en grande quantité, et
vont mettre du temps à brûler intégralement
- Présence d'une ouverture donnant sur l'extérieur,
opposée au vent: va permettre une définition quasi
parfaite du chemin parcouru par le front de flamme avec apport
de comburant par la fenêtre, passage de ce comburant sur
le foyer, et trajet du front de flamme du foyer jusqu'à
la sortie
- Inflammation de tous les éléments combustibles
présents dans le local, puisque ceux-ci ont été
surchauffés par le feu qui était sur-ventilé.
Ceci aidant la poursuite de la production de gaz donc l'allongement
de la durée de présence du front de flamme
Avec une sortie en haut d'un escalier, l'effet général
sera accentué par l 'effet de Venturi provoqué par
la colonne d'air montant par l'escalier, rendant ce type d'effet
encore plus probable dans les bâtiments avec étages.
Sur le graphisme ci-dessous, la situation est simple à
comprendre : le vent (1) souffle sur la fenêtre restée
ouverte. Dans le local (2) une partie du vent s'engouffre et ventile
le feu. Celui-ci ne peut cependant par extraire les gaz chauds,
qui vont rester accumulés. A leur arrivée, les intervenants
ouvrent la fenêtre qu'ils trouvent sur leur passage (4)
puis ouvre le porte (3). Ils se trouvent alors dans le chemin
que les gaz vont parcourir : d'abord le vent (flèches bleus)
puis le front de flamme et les gaz chauds (flèche rouges).
Dans cet exemple, les intervenants se trouvent donc en plein dans
la zone chaude, comme s'ils se trouvaient dans une cheminée.
En étant sûr d'eux, ils pourraient éventuellement
se placer ici au niveau de l'escalier. A condition qu'il n'y ait
aucune ouverture à l'étage, il serait alors protégés
puisque le front de flamme les épargnera. Ceci étant
cependant une solution "limite" en terme de sécurité.
Ce phénomène de "forced-draft"
est très dangereux et simple à comprendre. Pour
s'en prémunir, plusieurs précautions sont nécessaires.
D'abord une observation attentive des lieux. La présence
d'un feu en hauteur (étage d'un immeuble) est à
prendre avec prudence puisque dès que l'on monte, le vent
devient plus violent. Les personnes habitant dans des IGH le savent
bien : l'ouverture d'une fenêtre est souvent délicate
car le vent s'engouffre toujours violemment alors même qu'au
niveau de la rue, il ne semble pas y avoir du tout de courant
d'air!
La présence de vent vers une ouverture est un risque aggravant.
Si les fenêtres sont fermées, il faudra faire attention,
lors de l'attaque, à ne pas en provoquer la rupture (attention
aux coups de lances).
De même, la mise en place d'une ventilation d'attaque pourra
s'avérer délicate, car compte tenu de la distance
et du parcours de l'air, il sera certainement difficile d'avoir
une pression supérieure à celle que pourra produire
le vent, en cas de rupture de la fenêtre. La ventilation
risque alors de donner une illusion de sécurité
et de provoquer un relâchement de l'attention.
Une observation permanente des ouvertures par du personnel
resté à l'extérieur, est impérative.
En cas de rupture des fenêtres, une fois le local ouvert
par les sapeurs-pompiers, seuls des moyens hydrauliques puissants
permettront de bloquer le font de flamme et de permettre une lutte
efficace. Dans ce cas, il sera difficile d'opter pour une progression
contrôlée. Il faudra plutôt chercher à
"matraquer" le foyer.
Si la porte du local est encore fermée et que ce local
est déjà sur-ventilé, la solution consistera
sans doute à refroidir le local, par une succession d'ouvertures
de porte / impulsion [4], ou bien tenter de percer le haut de
la porte pour y glisser la lance et arroser.
Attention au sens d'ouverture des portes
Si le porte s'ouvre en poussant, il sera sans doute difficile
de l'ouvrir à cause de la pression. Mais si vous l'ouvrez
de trop, elle peut se rabattre et donc s'ouvrir en totalité,
sans possibilité de la refermer.
Si elle s'ouvre en tirant, méfiez vous, car dés
que la porte sera ouverte, ne serait-ce que de quelques centimètres,
elle risque de vous bousculer et de s'ouvrir totalement. |
Mener une attaque par l'extérieur, en jet diffusé
pour refroidir les fumées, est également une option.
En tout état de cause, dès que le foyer se trouve
à quelques étages et qu'il y a du vent, il faut
redoubler de prudence !
Bibliographie
1 - L'accident de Watt Street Article sur flashover.fr
- 2004
2 - " Passages (voies d'air ) associés aux progressions
rapides du feu ". Par P . Grimwood Traduction F. Gaviot-Blanc
Traduction de l'article " Pathways associated with Rapid
Fire progress ". Flashover -2004
3 - http://www.mace.manchester.ac.uk/
Université de Manchester
4 - " Jet-Débit-Action ". Le choix de la forme
et du débit du jet, en fonction des actions. Flashover.fr
2006