Trois sapeurs-pompiers du FDNY décèdent dans les Incendies de Brooklyn et du Bronx.
Quatre autres ont été hospitalisés avec de sérieuses blessures.
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Trois pompiers ont été tués le dimanche
23 janvier dernier dans deux incendies à des lieux différents
de New York - Deux en plongeant désespérément
d'un appartement du Bronx en essayant d'échapper à
un feu qui avait éclaté à l'étage
du dessous, l'autre après qu'il ait été
piégé dans le sous-sol d'une maison en feu à
Brooklyn.
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C'est dans matin de neige tourbillonnante et de froid brutal,
que le feu dans le Bronx s'est intensifié en quelques
minutes. Pas moins de 150 pompiers se sont battus pour en prendre
le contrôle. Les intervenants ont pensé que l'origine
du sinistre était dû aux étincelles de la
prise d'un chauffage qui aurait mis le feu à un matelas
situé à l'intérieur d'un appartement du
troisième étage au 236 Est 178éme rue dans
Morris Heights
Six pompiers se sont portés au quatrième étage
après avoir entendu dire qu'en haut des locataires pouvaient
avoir été piégés. A l'étage
inférieur, quelque chose a mal tourné - les intervenants
ont décrit une perte soudaine de pression d'eau dans un
tuyau - et les flammes sont montées par le plafond de l'appartement
en feu, en piégeant les sapeurs-pompiers au quatrième
étage.
Tout en se dirigeant vers les fenêtres, ils ont alors
commencé à émettre des appels au secours
par leurs radios. Pris dans la fournaise, ils semblent n'avoir
eu comme solution que celle de sauter.
Deux des six hommes - Le Lt. Curtis W. Meyran, 46 ans et le
Pompier John G. Bellew, 37 ans sont décédés,
les quatre autres ont été hospitalisés avec
de nombreux fractures.
Le feu de Brooklyn a éclaté plusieurs heures
après, dans une maison de deux familles au 577 Jerome Street
dans l'Est de New York. Les gens assistant à une soirée
d'anniversaire ont signalé une odeur de fumée. Les
pompiers de la Ladder Compagny 103 se sont dirigés vers
le sous-sol, en cherchant l'origine de l'incendie, sans soupçonner
le moindre " piège ". Le sous-sol est devenu
si chaud que les pompiers ont décidé qu'ils n'avaient
aucun autre choix, que de reculer.
Un des sapeurs-pompiers, Richard T. Sclafani, 37 ans, a été
distancé lorsque le groupe s'est retiré. A priori
son équipement s'est empêtré dans un portemanteau
ce qui a empêché sa fuite. Ses camarades, après
s'être aperçu de son absence sont retournés
le chercher, mais l'ont trouvé inconscient sur les escaliers
du sous-sol. Il a été évacué à
l'Hôpital Universitaire de Brookdale où le Centre
Médical a prononcé sa mort peu de temps après.
Cette journée a été la plus mortelle pour
les sapeurs-pompiers depuis le 11 septembre 2001, quand 343 membres
du département incendie (FDNY) sont morts lors de l'effondrement
du World Trade Center, une catastrophe qui continue à marquer
une grande partie de la vie quotidienne du département.
Depuis cette date, un seul sapeur-pompier était mort en
intervention.
La dernière fois que trois pompiers sont morts, se fût
quatre mois avant l'attaque de 11 septembre, quand trois hommes
ont péri lors de la Fête des Pères après
une explosion dans un bâtiment en feu dans l'Astoria, Queens.
Le maire Michael R. Bloomberg a décrit cette journée
du 23 Janvier comme "un jour que nous voudrions tous oublier,
mais nous ne l'oublierons pas."
Le feu du Bronx
On a signalé le feu du Bronx à 7h59. Alex Hernandez,
45 ans, qui vivait au deuxième étage, a dit qu'il
avait été alerté par des cris: "
j'ai entendu quelqu'un dire, 'Hé, l'appartement brûle
complètement ". J'ai entendu tout le monde crier "
au Feu! au Feu!"
Jorge Minier, 55 ans, qui vivait au quatrième étage,
a dit qu'il avait été réveillé par
la fumée et la chaleur. "Je suis parti sans vêtements"
a-t-il dit. "J'ai fui par le toit sans rien d'autre que
mes sous-vêtements". Il s'est précipité
à travers le toit par un escalier dans une partie du bâtiment
que le feu n'avait pas atteint.
Les pompiers qui intervenaient au quatrième étage
ont été confrontés à des problèmes
que l'on peut qualifier de logistique. Il semble en effet que
la bouche à incendie ait gelé, ou en tout cas qu'il
y a au une forte perte de pression, qui a empêchés
le personnel engagé au troisième étage d'avoir
les moyens hydrauliques suffisant pour lutter contre le feu. On
suppose aussi qu'un tuyau a pu éclater, ou bien a été
bloqué par des débris glacés.
Angel Quiles, 50 ans, était dans la rue derrière
l'immeuble, Eco Place, quand les sapeurs-pompiers sont apparus
aux fenêtres dans les étages supérieurs de
l'immeuble. Il a dit que les gens étant debout tout près,
sur un parking séparé du bâtiment par un
simple grillage et qu'ils criaient aux pompiers: "ne sautez pas !".
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Mais un sapeur-pompier a quand même sauté. M.
Quiles a indiqué qu'un instant plus tard, un autre sapeur-pompier
est apparu à la fenêtre. Cette fois, les gens à
l'arrière d'un centre pour personnes âgées,
adjacent au parking ont crié pour lui dire de rester où
il était, mais il a également sauté.
Pour d'autres témoins, les sapeurs-pompiers auraient
été soufflés par l'intensité de l'incendie
ou d'une sorte explosion, qui les aurait donc défenestrés.
M. Quiles a dit "Tout ce dont je me souviendrais ce sont les gens qui criaient "ne sautez pas, ne sautez pas"" .
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AP Photo/Gregory Bull
Les débris dans la neige, au centre, montrent l'emplacement
de la chute des sapeurs-pompiers, lorsqu'il ont sauté
du bâtiment de gauche. |
M. Scoppetta et le Maire Bloomberg ont dit que les pompiers
avaient fait face "à une terrible décision."
"Ils sont entraînés à ne pas être
piégés," a dit M. Bloomberg, "et
quelquefois les choses arrivent au-delà de votre contrôle."
Il a ajouté : "ils ont du faire le choix horrible
soit de sauter de la fenêtre du quatrième étage
soit de mourir brûlés. Ils ont sauté, en sachant
qu'ils seraient blessés grièvement."
Les intervenants ont indiqué que la propagation du feu
s'est faite si vite qu'ils n'ont pas eu le temps de monter des
coussins gonflables pour que les pompiers puisse sauter dessus.
Le pompier DiBernardo, dont le père est un sous-chef
retraité, était dans un état sérieux
la nuit dernière au Centre Médical Jacobi. Les autres
ont été admis à l'Hôpital de rue Barnabas,
où M. Cool et M. Stolowsky étaient dans un état
critique et M. Cawley était dans un état sérieux.
Le frère du pompier Cawley, Michael, est un pompier mort
au World Trade Center le 11 septembre.
Le feu de Brooklyn
Il a éclaté pendant une fête d'enfants au
rez-de-chaussée. Le Pompier Sclafani, un vétéran
avec 10 années de service au sein du département
(FDNY- Fire Department of New York) a été l'un des
premiers à arriver, et a apparemment cru que les gens
étaient au sous-sol et il est allée là pour
les chercher.
Alors qu'il revenait, son équipement s'est apparemment
emmêlé dans un porte manteau. D'autres membres de
son unité se sont rendu compte qu'il n'était pas
sorti et sont retourné le chercher. Il était sur
l'escalier, inconscient et ayant des difficultés à
respirer.
Le docteur Michael Epter, présent a l'hôpital
Brookdale à l'arrivée du Pompier Sclafani a indiqué
que celui-ci n'avait aucun pouls et n'a jamais repris conscience.
Il a été déclaré mort à environ
à 2h30. D'après le Dr Epter, il est mort d'abord
de l'inhalation des fumées,puis de brûlures au troisième
degrés sur 80% du corps. Sept autres pompiers ont été
légèrement blessés.
L'analyse des accidents
Les traducteurs et les gestionnaires du site flashover.fr s'associent
bien évidemment à la peine ressentie par les familles,
les collègues et les amis. Mais au-delà de cette
peine, nos interventions continuent, et le minimum que nous pouvons
faire en mémoire de ces trois hommes, c'est d'essayer de
comprendre, de trouver ce qui aurait pu les sauver et de mettre
en uvre ces techniques.
Le feu du Bronx
Le 5 février 1992, un incendie s'est déclaré
dans les locaux de l'Indianapolis Athletic Club Fire, à
Indianapolis dans l'Indiana. Le bilan fut de deux morts et un
blessé grave. Ce dernier, le Capitaine Michael Spalding
a donné quelques précisions lors de l'enquête. C'est une des rares personnes ayant été coincée dans un flashover et à s'en être sorti. Il a indiqué qu'en formation, il avait vu des vidéos avec des gens sautant par les fenêtres, à des hauteurs telles qu'ils ne pouvaient pas s'en sortir et qu'il avait alors pensé "pourquoi sautent-ils ?". Suite à l'incendie de l'Athletic Club, il a indiqué que la chaleur était tellement insupportable que s'il avait pu sauter, quelle que soit la hauteur, il l'aurait fait.
Ce fut également le cas lors de l'attentat du 11 septembre: dans l'excellent reportage des frères Jules et Gédéon Naudet, il est indiqué que les secours évacuaient le public par l'arrière de la tour pour ne pas qu'ils voient les personnes sauter. Or, il est évident que sauter d'une telle hauteur ne laisse strictement aucune chance. Seule la douleur provoquée par la chaleur peut provoquer un tel réflexe.
Dans le cas de l'incendie du Bronx, il est possible qu'il y ait
eu une explosion, projetant les sapeurs-pompiers par la fenêtre,
mais le fait qu'ils aient sauté les uns après les
autres laisse plutôt penser à une action "consciente" (bien que ce terme ne soit pas réellement approprié).
Que faire dans un tel cas ? Le problème de baisse de pression,
provoqué par un gel au niveau de l'hydrant, empêche
alors les intervenants de déployer les moyens hydrauliques
nécessaires. Ils se retrouvent alors en déficience
d'absorption thermique, comme pourrait l'être un binôme
engagé avec la LDT. Le feu se propage alors rapidement,
bloquant l'étage supérieur.
La première " erreur " a été sans
doute d'engager un sauvetage au quatrième sans moyens hydrauliques,
puisqu'il semble que ces moyens aient été utilisés
au troisième. Cette démarche n'est cependant pas
évidente puisque le feu est au 3éme et pas au 4éme,
et qu'il semble donc plus logique d'engager les moyens là
ou est le feu.
Dans ce cas, en étant coincé dans la pièce
en feu, il y a peu de solution, si ce n'est ouvrir la fenêtre
et tenter de descendre, ou bien correspondre par radios, laisser
la fenêtre fermée et s'allonger. En effet, la fermeture
des ouvrants provoque une déplétion en oxygène
et baisse la température des locaux (effets démontrés
en caisson, d'une baisse proche de 200C en température
de plafond).
Dans le cas d'un feu qui n'a pas encore atteint totalement une
pièce, la solution serait sans doute d'y pénétrer,
puis de refermer la porte derrière soit, en quelque sorte
pour se "barricader". Ouvrir le fenêtre de temps
à autre pour appeler les collègues et si possible,
attendre.
En tout cas, l'ouverture de la fenêtre apporte l'oxygène
et défini le "chemin du feu" (voir le document
"Voies d'air et progression rapide du feu" dans la
section téléchargement). En prenant le plan des
locaux, on peut alors tracer le chemin que suit l'air, de l'ouvrant
vers le feu, puis du feu vers la sortie des fumées. Il
est évident qu'il ne faut pas se trouver sur ce chemin,
au risque d'être grièvement brûlé.
Exemple de manoeuvre
Intervention sur RdC, puis en cours d'intervention, indication
de présence de personne à l'étage. Le sauvetage
devra se faire avec un établissement en eau, et pour sécuriser
encore plus, une échelle devra être mise en oeuvre,
même si le BAT a réussi à accéder à
l'étage, par l'escalier sans aucune difficulté.
Le temps d'occurrence d'un flashover est très largement
inférieur au temps nécessaire à la mise en oeuvre d'une échelle, il semble donc préférable d'en établir une de façon quasi-systématique.
L'incendie de Brooklyn.
Les feux de sous-sol s'avèrent particulièrement
dangereux car les espaces sont généralement très
confinés, et peu éclairés. Ensuite, il est
évident que la tenue d'intervention, quel que soit le pays,
est une tenue qui doit être ample, afin de laisser passer
l'air et ainsi offrir une bonne protection. Le port du ceinturon
"bien serré" est reconnu depuis longtemps comme
un facteur aggravant en ce qui concerne les brûlures : plus
les tissus sont serrés, moins ils protégent. Mais
en même temps, le sapeur-pompier se trouve avec une diminution
de son amplitude de mouvement et avec un volume supérieure
à celui qu'il a lorsqu'il est en tenu civile. Il y a donc
une difficulté de déplacement et une augmentation
des chances de s'accrocher. Pour exemple, lors d'une de nos dernières
manuvres, un de nos sapeurs est ressorti d'un local encombré,
en tirant une poubelle qu'il avait malencontreusement accroché
avec sa tricoise et qu'il n'arrivait plus à décrocher.
Le fait d'être attaché (progression en binôme)
est un avantage puisque cela permet de ne pas laisser un collègue
en arrière, mais cela complique sérieusement la
progression.
La solution passe sans doute par un jeu de badge que chacun dépose
à la porte avant de rentrer et reprend au retour, badge
permettant alors de vérifier très vite qu'il reste
quelqu'un.
Exemple de manoeuvre
Faire des exercices avec des groupes de 7 ou 8 personnes qui partent
en recherche et que l'on fait ressortir très précipitamment,
en demandant à un sapeur-pompier de rester caché.
Il serait alors intéressant de voir le temps qui s'écoule
avant que l'on découvre que tout le monde n'est pas sorti
Les reportages et la traduction pour cet article ont été
fait par Kevin Flynn, Kirk Semple, Jim Dwyer, Diane Cardwell,
Robin Stein, Pierre-Louis Lamballais et Franck Gaviot-Blanc..
Réimprimé avec la Permission du New York Times
sur le Web (c) la Compagnie de New York Times.