Stratégie, Tactique et Société

Date: 14 janvier 2009 à 11:06:18
Sujet: Pédagogie et formation


Savoir pourquoi un feu fume et progresse vite, savoir que telle technique de lance est plus efficace qu'une autre, tout ceci est intéressant. Mais lorsque nous regardons les interventions, nous constatons que, bien souvent, l'approche «humaine», qu'il s'agisse d'ordres, d'analyses ou d'actions, reste pour le moins floue. Même les grands corps font face à des situations qui se soldent parfois par des blessés ou des morts.
Cet article ne donnera certainement pas de solutions, mais va tenter de faire le tour de quelques ouvrages qui permettront d'ouvrir un peu les yeux sur quelques réalités. L'histoire est riche d'enseignements.

La recherche de la cohérence
Au-delà des compétences individuelles, mises en valeur par le statut de héros que le sapeur-pompier se plait à véhiculer, c'est souvent la gestion du groupe qui fait la différence. Chacun le sait: il vaut mieux des individus individuellement «moyens» mais groupés sous une forme cohérente, plutôt que des individus excellents formant un groupe sans cohérence.
Dans les pays où le nombre de sapeurs-pompiers volontaires est important, la recherche d'une cohésion de groupe n'est pas forcément évidente car les méthodes habituellement utilisées pour obtenir cette cohérence, sont d'ordre militaire: par exemple mise en échec de la totalité d'un groupe afin de créer une action de solidarité dans celui-ci. Dans les unités de sapeurs-pompiers civils, c'est parfois un sentiment «administratif» qui s'installe et le «groupe» a du mal à exister autrement qu'au travers d'une simple relation de travail, inapte à souder des individus lors d'une situation dangereuse. Dans les unités militaires, cet esprit de groupe cherche à se mettre en place.  Il perdure généralement après la formation, par une relation privilégiée entre ceux qui ont «fait partie du même groupe».
Malheureusement, que la cohésion de ce groupe soit réelle, bonne ou même excellente, encore faut-il donner une direction à ce groupe. Un groupe de cohésion moyenne pourra se «retrouver» autour d'un projet commun, tandis qu'un groupe à forte cohésion sera rapidement disloqué si les objectifs qui lui sont donnés sont flous, ou quasiment absents.
Contrairement aux apparences, la cohésion n'est donc pas quelque chose qu'il faut apprendre, une fois pour toute, mais plutôt quelque chose qu'il faut découvrir, mais qui ne perdure que par l'action commune.

Attention: il est tentant de parler simplement de discipline, mais ce serait une erreur fondamentale de ne prendre le problème que sous cet angle de vue. Les ordres doivent être exécutés ; ceci se base sur leur respect donc effectivement sur la discipline. Mais ces ordres doivent être efficaces.

«Si les ordres sont sans exception efficaces, alors les troupes seront obéissantes. Si les ordres ne sont pas toujours efficaces, elles seront désobéissantes» (Sun Tzu ? L'Art de la Guerre  - Marches Verset 49)

Nous notons que Sun Tzu dit «sans exception». Le rôle de celui qui donne les ordres n'est donc pas de simplement «donner des ordres» mais bien de donner des ordres qui devront être efficaces, et ceci, sans exception. Car l'ordre erroné restera dans les mémoires et participera pendant très longtemp à la dégradation de la cohérence du groupe.

Projet commun
Sur une intervention, nous entendons parler de tactique. Ces «choix tactiques» doivent permettre de construire un but commun, et surtout une manière d'arriver à ce but. Mais en premier, nous devons définir précisément ce que sont la tactique et la stratégie. Cela peut paraître évident, mais dès que l'on cherche à avoir des précisions, nous constatons que la définition est floue et que, très souvent, les explications relatives à la mise en ?uvre, ne correspondent pas à la définition.

Définitions
Il existe plusieurs définitions de la tactique mais aussi de la stratégie. Dans certains cas, les définitions mélangent ou confrontent les deux, ce qui gêne beaucoup la compréhension. Pourtant, les définitions les plus optimales permettent plutôt de placer la tactique et la stratégie à deux niveaux différents et complémentaires. Nous retiendrons les deux définitions suivantes, extraites du Dictionnaire Le Robert:
  • Stratégie: Partie de la science militaire qui concerne la conduite générale de la guerre, et l'organisation de la défense d'un pays
  • Tactique: Art de combiner tous les moyens militaires (troupes, armements) au combat. Exécution locale, adaptée aux circonstances, des plans de la stratégie.
Pour les sapeurs-pompiers, la stratégie peut donc s'allier à la prévention et à la mise en place des secours sur un territoire: la question du temps nécessaire au déplacement du personnel sur un feu est identique à la question du temps nécessaire au déplacement d'une armée par air, mer ou terre pour protéger une frontière en péril. De même, choisir s'il faut des petits ou des gros camions revient à se poser la question du nombre de chars d'assaut par rapport au nombre d'avion, de petits canons à tir rapide par rapport à de gros canons à tir plus lent etc?. Ceci concerne également les relais politiques, soit inter-pays dans le cas de conflits armés, soit plus locaux dans le cas des incendies. Dois-je verbaliser ceux qui n'entretiennent pas les terrains susceptibles d'être la proie des flammes pendant les feux de forêt, ou dois-je acheter et bétonner ces parcelles ? Ce sont bien là des choix «stratégiques».

Mais une fois l'événement en marche, c'est-à-dire une fois l'ennemi à nos frontières, ou le feu déclaré, il n'est plus question de stratégie, mais bien de tactique. Sachant évidemment que la tactique dépend de la stratégie précédemment mis en place. Nous en avons un exemple politique évident avec la négociation de Chamberlain et Daladier. Nous sommes ici en face d'une tentative de négociation des Anglais et des Français, avec Adolf Hitler, afin d'éviter la guerre. Or, nous pouvons faire des parallèles très troublants: la mise en place d'une stratégie ne peut se faire qu'avec une analyse réelle de la situation, et pas sur des suppositions. Au moment de la rencontre Chamberlain ? Daladier - Hitler, ce dernier avait déjà publié Mein Kampf, dans lequel tout est décrit de façon très précise. La Seconde Guerre Mondiale n'était pas une surprise et les préfaces des éditions Française de Mein Kampf sont, de ce point de vue, très prophétiques, et pour certaine extrêmement alarmistes quant à la suite du processus. Or, visiblement les politiques Anglais et Français ne s'étaient pas renseignés. Sur la mise en place stratégique des moyens de secours, là encore, une analyse précise devra être effectuée, au risque de se retrouver, le jour venu, avec de grosses difficultés tactiques.

En effet, la tactique «subit» ce dont elle dispose. Lors d'une action tactique, le rôle du commandement, même à un tout petit échelon, sera de définir des actions en fonction de la situation  et de l'adéquation (plus ou moins bonne) entre cette situation et les moyens dont il dispose.

Paradoxalement, nous constatons que la surenchère de moyens (personnel, engin, mais surtout matériel dans chaque engin), ne va pas arranger les choses. En deçà d'une certaine quantité de matériels, l'intervention va rapidement tourner au bricolage. Mais au-delà d'une certaine quantité, c'est le même phénomène qui va se produire car au lieu de correctement utiliser quelques outils, tout le monde saura «mal utiliser tous les outils». Et en fait, soit tout sera utilisé, mais mal, soit (plus fréquemment) cette surenchère d'outils va amener le personnel à filtrer et en fin de compte à toujours utiliser le même outil, sans se soucier de sa réelle adaptation (le choix des moyens hydrauliques est, à ce niveau, très significatif).

Les ouvrages «pompiers»
Il existe quelques ouvrages faisant référence à la «tactique» ou à la «stratégie». L'ouvrage de Vincent Dunn «Strategy of firefighting», celui de Angle, Gala, Harlow, Lombardo et Macuiba «Firefighting strategies and tactics», celui de Marcos de Oliveira «Manual de estratégias, táticas et técnicas de combate a incêndio estrutural»  ou «3D Firefighting» de Paul Grimwood, Ed Hartin, John Mc Donought et Shan Raffel. C'est vers ce type d'ouvrage que l'on se dirige naturellement.

Pour certains, des points n'ont visiblement pas été vérifiés, ce qui jette le doute sur le reste de l'ouvrage.  Pour d'autres, la transposition est délicate. Ainsi l'ouvrage de Vincent Dunn traite en majeure partie des structures en bois, peu présentes sur les secteurs d'intervention autre qu'aux Etats Unis. Les mises en ?uvres préconisées par Vincent Dunn sont donc difficiles à transposer et lorsque cette transposition est tentée, elle peut aboutir à des résultats dangereux. L'ouvrage de Marcos de Oliveira explique des techniques de lances, les phases du feu etc... ce qui n'est ni stratégique, ni tactique. La seule partie concernant la tactique se résume à quelques pages

Les autres ouvrages mettent en avant le terme «tactique» mais n'en traite pas. Ainsi 3DFF traite des méthodes d'attaques, de l'anti-ventilation etc?mais n'offre pas d'exemple de raisonnement tactique.

De plus, lorsqu'il y a quelques considérations relatives à l'analyse de la situation, nous constatons qu'elles concernent des «pistes de travail» mais rien de réellement concret. Dire qu'il faut regarder les fumées et leurs couleurs est une bonne chose. Mais encore faut-il savoir ce que cela signifie et savoir ce que, concrètement, cela peut avoir comme impact et donc, quelles modifications cela peut-il apporter dans les choix. Autrement, on regarde les fumées et? c'est tout ! Il faudrait donc mettre au point des liens entre les observations et les actions, ce qui n'est pas réalisé aujourd'hui.

Nous constatons d'ailleurs une incompréhension dans les termes eux-mêmes lorsque nous cherchons «tactique pompier» sur internet. Nous trouvons des explications sur les «feux tactiques» qui consistent, en feu de forêt, à allumer des contre-feux. Mais ce n'est pas «une tactique» mais une méthode qui sera utilisée au sein d'un raisonnement tactique.
Il en est de même pour le terme «ventilation tactique» puisque l'usage d'un ventilateur n'est pas «de la tactique», mais l'usage, là encore, d'un simple outil. Ou alors il faudrait parler de «lance tactique», de «forcément de porte tactique» ou de «déploiement d'échelle tactique»? 

Au delà de ses ouvrages «pompiers» qui, globalement n'apportent pas grand chose sur ce sujet précis, le document «Approche Tactique des Feux de Locaux», disponible ici, a mis en avant des besoins de raisonnement plus généraux, avec des positionnements des intervenants et des systèmes de choix d'actions basés sur des analyses d'interventions. Malgré un travail important et le fait que ce document constitue une sorte d'exception dans le monde des sapeurs-pompiers, le résultat est très incomplet car plus les recherches avancent et plus le sujet se découvre. Avant de revenir vers des considérations réellement tactiques en les appliquant aux incendies, il est donc nécessaire de chercher des points de vue en dehors de cet univers «sapeur-pompier». Quelques heures de lectures sont donc nécessaires.

Les ouvrages militaires
En recherchant du côté «militaire» et «politique» nous trouvons quelques ouvrages dont la lecture semble parfois difficiles et qui, surtout, sont à priori éloignés des considérations de «lutte contre l'incendie».  Le lecteur qui sera incapable de transposer ces raisonnements tactiques militaires vers le domaine d'un combat contre le feu, sera certainement très déçu. A l'inverse, celui qui prendra assez de recul pour considérer que les méthodes sont transposables, découvrira au travers de ces quelques livres, des idées souvent simples, mais adaptables, que ce soit en terme de mise en place tactiques qu'en terme de commandement.

L'infanterie Attaque
«L'infanterie Attaque ? Enseignements et expérience vécue» (titre original «Infanterie greift an: Erfahrungen und Erlebnisse»).
Ecrit en 1937 par le Ltn Colonel Erwin (Johannes Eugen) Rommel (15 Novembre 1891 - 14 Octobre 1944). Traduit en français par le Ltn Colonel Marc Allorant, ce livre est disponible auprès de l'Ecole d'Application de l'Infanterie de Montpellier (France). On peut aussi en trouver quelques exemplaires sur e-Bay par exemple.
Tout au long des 290 pages de l'ouvrage, Rommel décrit les multiples combats qu'il a livrés durant la Première Guerre Mondiale, avec des troupes d'infanterie.
En Belgique, en France, sur l'Argonne, la Roumanie, les Carpates ou l'Italie, les combats se succèdent.
Erwin ROMMEL
Les descriptifs sont précis, les notes et les remarques sont intéressantes. Bien sûr, il faut prendre du recul afin de faire la translation, mais celle-ci est possible sur de nombreux points. Ainsi la réalisation rapide du plan quadrillé d'une zone afin de placer les troupes et donner les indications de tirs, est une solution facile à mettre en ?uvre même sur une zone d'intervention réduite. Le chef d'équipe devant agir comme un chef d'orchestre, il doit savoir à tout moment où sont des hommes et ce qu'ils font. Le principe étant celui d'un ordre donné, exécuté puis d'un «feed back» en fin d'exécution, il est possible d'avoir une petite planchette avec une feuille sur laquelle en quelques secondes, le chef dessine la situation.
Pour la dessiner, même de façon rapide, il devra observer et verra alors des détails qui, autrement, lui aurait échappé. Cette étape consistant donc à «poser» la situation, permettra de réfléchir quelques secondes de plus. Ce «dessin» pourra être transmis aux renforts, servir pour l'analyse ultérieure etc?
«L'infanterie Attaque» contient également de nombreuses références au commandement. A cette époque, Erwin Rommel n'est pas l'inspecteur du Mur de l'Atlantique, ou le «Renard du désert» commandant l'Afrika Korps tel que nous le connaissons habituellement. C'est un jeune officier de 25 ans, qui est avec ses hommes, dans les pires conditions. C'est pour les sapeurs-pompiers, un chef d'engin ou d'un petit groupe d'engins. Il analyse donc la portée directe des ordres qu'il donne et lorsque ceux-ci ne sont pas bons, il en subit directement les conséquences.
Le non respect des ordres à un effet direct, parfois catastrophique. Lors des combats de Krupenul-Vlarii (Roumanie, Novembre 1916), l'ordre suivant est donné par Rommel «La 1ère section défend sa position actuelle, quoi qu'il arrive». Or quelques instants plus tard, cette section s'est déplacée et a attaqué. Si le début de l'opération se passe bien, la situation se dégrade rapidement avec une contre attaque Roumaine. En quelques minutes, la section est en passe d'être anéantie et demande du renfort. Rommel se demande alors «Pourquoi la section n'est elle pas resté sur sa position, conformément aux ordres reçus ?» et il doute même de l'intérêt d'engager une autre section pour sauver la première. Le dispositif est donc totalement perturbé simplement par la non observation des ordres alors que ceux-ci étaient clairs, précis et surtout, bien étudiés.
La mise en place des doublements de moyens en action (et pas en attente), ou l'importance des moyens de communication et de la reconnaissance sont autant de points qui sont utilisables dans le cadre de la lutte incendie. A noter que seules les 5 dernières lignes de l'ouvrage font référence à un sentiment nationaliste.

Achtung Panzer
Avec Achtung Panzer nous touchons à la mise en place complète d'un système militaire, au travers d'un ouvrage de référence concernant principalement les blindés. 
Ainsi qu'il est indiqué sur le site internet des Armées Françaises, ce livre est souvent cité, mais rares sont ceux qui l'on lut. En effet, Achtung Panzer a été publié en Allemand en 1937, mais il a fallu attendre 1992 pour voir apparaître une version en Anglais et à ce jour, seules ces deux versions sont disponibles.
L'ouvrage du   Generaloberst Heinz Wilhelm Guderian (17 Juin 1888 - 14 Mai 1954) est constitué de deux parties. En premier une analyse de nombreuses batailles ayant eu lieu durant la Première Guerre Mondiale. Certaines sans blindés, d'autres avec engagement de type blindés + infanterie. 
Heinz Wilhelm Guderian
Le faible nombre de blindés engagés en 14-18, l'absence quasi généralisée de tactique pour ce type de matériel et les pannes fréquentes, font qu'à première vue, les actions étudiées sont moyennement intéressantes et qu'en tout cas, il semble difficile de les utiliser pour planifier des opérations de plus grande ampleur.

C'est pourtant ce que Guderian a fait. Il y prête une forte attention en les décortiquant de façon méthodique, sans parti pris, et en tirant des enseignements très importants. Ainsi, la seule bataille de chars (donc blindés contre blindés) qui a eu lieu durant la Première Guerre Mondiale, s'est déroulée le 8 Octobre 1918 sur le secteur de Niergnies-Séranvillers et n'a opposé qu'une dizaine de blindés Allemands avec autant de blindés Britanniques. Mais, ainsi que l'indique Guderian, bien que cette action soit de petite taille, il est possible d'en tirer des leçons intéressantes.
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à la mise en place des forces de Panzer, dont l'organisation est issue des analyses précédentes. Le principe des Platoon (tanks qui se soutiennent mutuellement) n'est pas sans rappeler le concept d'attaque incendie à plusieurs binômes. La reconnaissance a également ici toute son importance tout comme les moyens radio, l'entraînement, la cohésion des équipes etc? Tout est passé en revue de  façon méthodique, en s'appuyant à chaque fois sur des cas concrets. Les erreurs y sont traités de façon impartiale, en mettant en avant les erreurs tactiques ou les erreurs de commandement. Au fur et à mesure, les points communs avec l'incendie deviennent évidents: l'engagement de la cavalerie Allemande à Haelen (12 Août 1914) contre des unités Belges équipées de mitrailleuses (Perte Allemande: 24 officiers, 468 hommes et 843 chevaux. Perte Belges: 10 officiers, 117 hommes et 100 chevaux) en est un bon exemple. Les moyens Allemands étaient inadaptés, tout comme une lutte contre l'incendie menée avec des moyens «petit débit» pourra s'avérer inefficace. Or, au lieu de changer de moyen, le commandement Allemand a multiplié les moyens identiques, ce qui a conduit inévitablement à une catastrophe. Et en incendie, nous constatons souvent qu'en cas d'inadaptation, le choix sera de multiplier les mêmes moyens, alors que la solution consiste au contraire à changer de moyens.

La mise en place générale n'est pas non plus sans nous rappeler les freins mis par certains à l'évolution des méthodes. Ainsi «Il est évidemment absurde de faire le choix conscient de ne pas utiliser le potentiel d'une arme à son maximum», peut-être comparé à l'utilisation de petits moyens hydrauliques avec un camion qui dispose en son sein de moyens supérieurs. Et lorsque  nous lisons  «Nous avons de la place pour les esprits vifs et ouverts. Nous devons aller au-delà de l'inertie de l'individu et de l'immobilisme de la masse», il est évident que les membres assidus du site s'y retrouvent pleinement.

A noter qu'Achtung Panzer est, à la connaissances des traducteurs, le seul ouvrage édité au temps du régime Nazi, dans lequel la défaite Allemande de 1918 est imputé à des erreurs de commandement et de tactique. Pour l'anecdote, lorsque les Alliés sont arrivés dans la résidence d'Adolf Hitler, ils ont évidemment trouvé Achtung Panzer dans la bibliothèque, mais aussi un petit ouvrage, que Guderian avec offert et dédicacé à Hitler, ouvrage mettant en avant un excellent concept d'attaque par les blindés: «Vers l'armée de métier» du Général Charles de Gaule.

Note: «Vers l'armée de métier» (1934) n'est à priori plus disponible sous forme d'un ouvrage indépendant. Il semble disponible au sein des Mémoires du Général de Gaule et constitue une des premières réflexions sur l'usage des forces mécanisées, avec le principe de la «Division de choc» dont le but est d'attaquer vite et fort.

De ces deux ouvrages, nous retiendrons un grand principe qui fait, encore de nos jours la force des unités blindées: analyse du terrain, surprise et attaque en masse. En incendie, l'analyse du terrain c'est la reconnaissance extérieure, la surprise, c'est de ne pas «aller voir» mais de garder la structure intacte pour effectivement «surprendre le feu», et l'attaque en masse, c'est bel et bien le fait de mettre tout de suite en oeuvre de gros moyens et non pas de «bricoler en pensant que ça ira».

L'Art de la Guerre
Ecrit par Sun Tzu au VI éme ou V éme siécle avant Jésus-Christ, ce texte a été commenté par de nombreux militaires Chinois (Ts'ao Ts'ao, Tu Yu, Li Ch'uan, Mei Yao Ch'en, Wu Ch'i).
Pour ma part je conseille l'édition de la collection Champs Classique de chez Flammarion (1972 ? ISBN 978-2-0812-1301-2). C'est la version remaniée d'une thèse soutenue en octobre 1960 à Oxford. Le livre de Sun Tzu lui-même y est complété par une excellente analyse sur l'histoire de cet ouvrage, d'informations concernant les commentateurs des versets de Sun Tzu, d'informations sur la structure de la société chinoise à cette période etc? tous ces éléments permettant de mieux comprendre les versets en les replaçant dans leur contexte.
L'ouvrage est une suite de versets, comme ceux d'un ouvrage religieux tel que la Bible ou le Coran, mais qui traitent ici de la guerre et du commandement. Certains versets sont assez flous et les commentaires permettent de mieux les comprendre au risque que cette «compréhension» soit celle du commentateur et pas celle de Sun Tzu.

La majeure partie est consacrée aux mouvements de troupes et aux choix des actions, donc aux ordres et au commandement. Quel que soit le niveau de commandement, cet ouvrage doit être lu !
Il est agrémenté d'anecdotes qui remettent le commandement à sa juste valeur. Ainsi, Ts'ao Ts'ao avait donné ordre à ses troupes de ne pas abîmer les champs cultivés une fois les territoires ennemis conquis. Malheureusement le propre cheval de Ts'ao Ts'ao s'était échappé et avait piétiné les cultures. Ts'ao Ts'ao s'est alors condamné lui-même à être décapité. Devant l'insistance de ces généraux, il a simplement coupé sa natte, ce qui devait pourtant constituer une honte très importante à cette époque.
Le commentateur Chang Yu, indique (Chapitre Manoeuvre, verset 20) que le Général doit donner l'exemple. Même s'il a soif et qu'il a à boire, il doit attendre que les puits de l'armée soient creusés et que la troupe puisse boire, pour boire à son tour. Il n'ouvre pas son parasol en été, ne met pas de vêtements chauds en hiver et participe aux tâches les plus rudes.

Le problème (fréquemment rencontré en intervention) des commandements successifs laissant à un chef des prérogatives qu'on lui retire quelques minutes plus tard, est illustré par l'histoire de Sun Tzu et des femmes du Roi de Wu. Celui-ci avait demandé à Sun Tzu si ses compétences lui permettaient de former une troupe, même composée de femme, pour suivre des ordres. Sun Tzu avait accepté et le Roi mit à sa disposition «180 belles femmes venues du Palais» que Sun Tzu réparti en deux groupes avec à leur tête les deux concubines favorites du Roi de Wu. Après avoir expliqué les manoeuvres, Sun Tzu donne les ordres au tambour et les femmes éclatent toutes de rire. Sun Tzu déclare alors qu'il est responsable car «si les instructions ne sont pas claires et si les ordres n'ont pas été complètement expliqués, c'est la faute du commandant». Il répète alors les man?uvres, les explique et redonne les ordres. Une fois encore toutes les femmes éclatent de rire. Sun Tzu dit alors que dans ce cas, puisque les ordres sont clairs et bien expliqués, leur «non-réalisation» est un crime de la part des officiers. Et il ordonne de décapiter les deux chefs donc les deux concubines favorites du Roi. Celui-ci fait alors dire à Sun Tzu qu'il a bien compris, que Sun Tzu est un bon chef, que le message est bien passé, mais qu'il faut arrêter là. Ce à quoi Sun Tzu répond «Votre serviteur a déjà reçu de vous l'investiture du commandant en chef. Or, lorsque le commandant est à la tête de l'armée, il n'est pas tenu d'accepter tous les ordres du Souverain». Et Sun Tzu fait décapiter les deux femmes...

Essai Général de Tactique

Cet ouvrage d'environ 400 pages, écrit en 1772 par le Comte Jacques de Guibert, est un bon exemple de travail relatif à la tactique dans le sens réel de ce terme, c'est-à-dire avec la définition des guerres de mouvement, du placement des troupes etc? L'application incendie est moins évidente qu'avec Achtung Panzer par exemple, mais ce livre constitue néanmoins une avancée majeure dans la structuration des unités combattantes. L'auteur écrit cet ouvrage à une époque où les règles sont parfaitement établies, et surtout très strictes : l'ordre de bataille est immuable et quels que soient les événements, il ne faut pas s'en écarter. Au contraire pour Jacques de Guibert, il convient de trouver des systèmes permettant à la fois de partir sur des bases fixes mais en ayant aussi la possibilité de les faire évoluer, au gré des changements imposés par le déroulement de l'action. Le commandement se doit donc de prévoir des plans, mais également d'être très réactif, afin de pouvoir les modifier «en temps réel». Or, ceci implique une logique très différente, avec mise en place de systèmes d'analyses et de communication. La «reconnaissance» initiale, réalisée une fois pour toute, ne suffit donc plus : elle doit être permanente, puisqu'elle permettra d'analyser constamment la situation et donc de modifier les actions afin que celles-ci soient toujours en adéquation avec les circonstances et les objectifs. A noter qu'une version originale de cet ouvrage est disponible sous forme «scannée» sur Google Book.


Les ouvrages politiques et divers
Si la stratégie «incendie» relève donc le plus souvent d'une pré-planification et la tactique d'une méthodologie de choix de moyens et d'actions, le sapeur-pompier ne doit pas oublier qu'il évolue dans une société, qui fonctionne avec des règles et des contraintes immuables. De même, le commandement peut également être vu comme une action fortement teintée d'humanisme, à tous les sens du terme. Quelques ouvrages peuvent également aider à aborder ces problèmes.

Le Prince
Un petit ouvrage de moins de 150 pages qui offre à lui seul un concentré d'histoire politique, restant effroyablement d'actualité.
Nicolas Machiavel (4 mai 1469 à Florence, Italie - 21 juin 1527 à Florence) a écrit ce livre pour Laurent de Médicis. Il y décrit les différentes sortes de principautés et les diverses actions qui ont été menées par leurs  dirigeants et qui ont conduit à la perte ou à la conservation des pouvoirs. L'analyse est générale, mais soutenue par des exemples qui trouvent des échos jusque de nos jours.
L'adage «Nul ne doit différer une guerre», résonne des heures sombres de la Seconde Guerre Mondiale et de l'attentisme de la Grande-Bretagne et de la France face à la montée du Nazisme, mais aussi de la réaction violente, rapide et efficace de la Grande-Bretagne lors de l'invasion des Iles Malouines (Falklands) par l'Argentine. Sur ce sujet, nous retrouvons les conseils de Guderian dans «Achtung Panzer»: attaquer vite et fort.
Nicholas MACHIAVEL

L'ouvrage peut également servir dans le cadre de l'évolution des services pour faire face aux freins des habitudes. Machiavel indique, à propos des Romains «Jamais ils n'appliquèrent le précepte que les faux sages de notre époque ont du soir au matin à la bouche «Laissons le temps travailler pour nous». Ils aimaient mieux laisser travailler leur vertu, leur prévoyance, leur sagesse; car le temps pousse devant lui toutes sortes de choses ; Il peut apporter avec lui le bien, comme le mal, le mal comme le bien». Lorsque Guderian, écrit dans «Achtung Panzer»: «La mentalité aveugle de la haute hiérarchie a compté aussi dans son manque de vision: pas de changement de tactique, à aucun prix ! Et pour l'amour du ciel, pas de nouvelles armes !!», force est de reconnaître qu'à plusieurs centaines d'années d'intervalles, les choses n'ont pas réellement changé.
Et au niveau incendie, les «faux sages» sont bien présents, attendant patiemment quelques dizaines de morts pour enfin admettre des changements pourtant simples à mettre en ?uvre.

Autres ouvrages
La culture générale ne peut se passer des ouvrages qui gèrent ou ont géré une bonne partie du monde. En tant que sapeurs-pompiers nous sommes au sein d'une société qui évolue, en fonction de critères économiques mais aussi culturels. Comprendre cette société, c'est savoir évoluer en son sein et les espaces multiculturels se multipliant, il peut être bon de connaître des ouvrages qui gèrent la vie de ces communautés mais aussi (pourquoi pas) des ouvrages qui ont servi à manipuler des masses.
Pour les premiers, certains sont faciles à trouver, tels que la Bible ou le Coran. Concernant la Bible, l'édition dite «TOB» (Editions du Cerf) présente l'intérêt d'avoir une analyse assez précise de la création initiale de l'ouvrage et de la difficulté de transmission de l'information, qui n'est pas sans rappeler la transmission souvent orale qui a prévalu chez les sapeurs-pompiers, avec des déviances parfois surprenantes. D'autres ouvrages restent délicats à trouver, tel que Mein Kampf d'Adolf Hitler dont la vente en France est autorisée, mais sans affichage ni mise en rayon. En clair, il faut avoir un ami bouquiniste.

Dans tous les cas, même si nous semblons nous éloigner du domaine de l'incendie, des ouvrages comme L'Art de la Guerre, le Prince, Achtung Panzer et Mein Kampf démontrent une chose commune: celui qui est surpris par les événements a simplement gardé les yeux fermés pendant que ces événements se préparaient.






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