L'Ecole du Feu de Jurbise (Belgique)

Date: 16 mai 2007 à 17:55:02
Sujet: Zoom!


Avec 3 caissons installés à l'Ecole de Jurbise et une première équipe de 23 formateurs, la Belgique vient de rentrer dans le club des pays qui mettent l'accent sur les formations pratiques de sapeurs-pompiers, non pas à une échelle locale, mais à une échelle nationale. La petite taille du pays y est sans doute pour quelque chose, mais au-delà de cet aspect géographique, c'est certainement la volonté d'avancer qui est la plus remarquable. Avec la mise en place d'une formation de formateurs, reconnue par les plus hautes autorités (et ouverte aux sapeurs-pompiers Belges et étrangers) associée à la remise à niveau rapide de plusieurs centaines de sapeurs-pompiers, la Belgique est certainement en passe de devenir rapidement le pays de référence en terme de formation aux Progressions Rapides du Feu.

Afin de comprendre ce phénomène, il faut remonter quelques années en arrière. A la suite de l'accident de Ghislenghien (éclatement d'une conduite de gaz), une commission a été crée afin de moderniser les services de secours. Ceci a débouché sur la mise en place d'une réforme, récemment votée par le Sénat Belge, qui réorganise le territoire avec un concept de zone. Le pays étant structuré sous forme de Provinces de dimensions assez variables, certaines auront 1 zone, d'autres 2, d'autres 3, ce système conférant ainsi aux zones des tailles globalement équivalentes.
Au-delà de cet aspect purement organisationnel, la réforme recommande aussi une partie pratique dans le cadre de la formation. Aussi étrange que cela puisse paraître, la formation des sapeurs-pompiers Belges est (était!) uniquement théorique ! Bien évidemment, les différentes casernes organisent en interne des exercices et des petits « examens » pratiques, mais ceux-ci ne font pas partie intégrante du cursus.
De plus, si les différents Brevets (Sapeur, Caporal etc) se déroulent au sein d'une Ecole, l'embauche des sapeurs-pompiers se fait à l'échelon local car les services de secours sont communaux, ceci devant également disparaître avec la réforme.

En parallèle à ces profonds changements et à cette mise en avant du besoin de formation pratique, les manifestations des sapeurs-pompiers Belges à Bruxelles, ont insisté sur ce point, les pancartes « nous voulons des formations pratiques » étant assez nombreuses.

C'est dans cette effervescence et cette demande de «formation pratique» que le Ministère a octroyé, en Décembre 2006, un budget afin de mettre sur pied une formation «flashover» pour 600 sapeurs-pompiers des Provinces Francophones. Détail malheureux, cette décision a été prise avant l'accident de Rochefort, qui a coûté la vie à Eric Perro, décédé suite à un backdraft.
Or, en Décembre 2006, aucun lieu ne permettait la mise en place d'une telle formation sur les Provinces Francophones, dont le personnel devait aller se former sur Anvers (Province Néerlandophone). La Province de Hainaut préparant depuis longtemps la mise en uvre d'une zone «pratique» pour l'Ecole du Feu de Jurbise (école appartenant à l'Institut Provincial de Formation de Hainaut), des tractations ont alors eu lieu avec le Ministère pour que la Province puisse réaliser ces formations pratiques et ainsi devenir un lieu de référence pour l'ensemble des Provinces Francophones.

Dès Janvier 2007 le projet se concrétise rapidement, avec un objectif de haute qualité et de vision à long terme. Il faut en effet installer des caissons, rédiger l'ensemble des documents pédagogiques relatifs aux PRF, à l'usage des lances, aux caissons, former des formateurs en provenance de toutes les Provinces Francophones, puis démarrer rapidement la formation des 600 sapeurs-pompiers.

Les formateurs doivent recevoir des documents leur permettant de donner les cours théoriques, mais également les cours pratiques. Ils doivent également recevoir des documents expliquant comment fabriquer et comment gérer des caissons (chek-list de vérification, consignes de sécurité, documents de suivi de brûlage, documents de dosage de combustible, etc). Ces formateurs doivent en effet encadrer la formation des 600 sur le plateau technique de Jurbise, mais doivent ensuite réaliser la mise en uvre de caissons dans les autres provinces afin de réaliser ensuite les formations sur leur secteur.

L'Ecole du Feu de Jurbise se donne ainsi plusieurs missions :

  • Devenir un centre d'excellence et de référence pour la formation des formateurs
  • Devenir un centre de formation qui pourra former en grand nombre les sapeurs-pompiers Belges de toutes Provinces, afin d'assurer une remise à niveau rapide de tous les intervenants Francophones
  • Devenir le centre de formation pratique de la Province pour l'ensemble des sapeurs-pompiers de Hainaut
  • Devenir un centre à haut niveau technique pour les formations les plus complexes (ceci devant se réaliser entre autres par la mise en uvre de système multi-caissons courant 2007, mais aussi par l'adjonction de modules techniques pour le sauvetage-déblaiement, un simulateur de cellule de crise dans le cadre des dangers de type « Seveso » etc)

Dés le départ, c'est sous l'impulsion du Cne Philippe Staquet, qu'il est décidé de former un noyau de 23 formateurs, de toutes les Provinces Francophones. Le cours sera clairement formulé avec des documents pédagogiques précis, tant pour la partie théorique que pour la pratique des lances, l'usage des caissons etc En contact depuis plus de 2 ans avec le site flahsover.fr c'est naturellement vers ce « réservoir documentaire » que l'attention se porte. Après une nouvelle prise de contact avec Pierre-Louis Lamballais, il est décidé de faire l'acquisition de 3 caissons de 12m et d'un caisson de 6m. Dés le début 2007, ils sont placés sur le terrain de la future zone «pratique» de l'Ecole, un terrain de 30 hectares situé à 10min des installations de cours théorique (une dizaine de salles de cours, cantine, douches, amphithéatre). Les choses sérieuses peuvent commencer!

Une partie des formateurs

Les 600 sapeurs-pompiers devant être formés sur une journée, c'est cette journée de «mise à niveau» qui servira de base pour le travail des formateurs puisqu'à terme, cette journée servira pour l'initiation dans le cadre des nouvelles recrues, tant professionnelles que volontaires.

La journé de base

La journée de formation des "600" est décomposée comme suit:

Théorie sur les feux de locaux avec rappel sur le triangle du feu, différence entre combustion vive et pyrolyse, dangers des fumées (COMIX), flammes de diffusion et de pré-mélange, feu contrôlé par le comburant ou par le combustible Descriptif du flashover «théorique» et du flashover «induit par la ventilation», puis du backdraft en distinguant le déclenchement par auto-inflammation et par retour des flammes sur les braises. Ces 2 heures se terminent par les explications sur la famille des FGI (Fire Gas Ignition), avec le flash-fire et la smoke-explosion. Enseignée sur la base d'un scénario pédagogique complet, associé à un document de plusieurs dizaines de pages pour «commenter et justifier» chaque élément, avec des descriptifs d'expériences à mener, cette partie théorique permet d'aborder le reste de la formation.

Une heure est ensuite consacrée à une démonstration sur mini-maison, en prenant comme référence le «Kit Mini-Maison» disponible dans la zone téléchargement du site flashover.fr

Exercice de passage de porte

La matinée se termine par une présentation théorique des lances, puis par l'apprentissage de la technique de progression et de protection. La progression est travaillée en utilisant le jet le plus efficace pour la zone gazeuse: jet ouvert à 60°, incliné de 45° par rapport au sol, avec un débit minimum de l'ordre de 150lpm et une ouverture de lance d'une demi-seconde. L'ouverture d'esprit d'un petit pays comme la Belgique est, à ce point de vue, un atout majeur: regarder autour de soit, analyser, et déduire la meilleure solution, sans contrainte, tout ceci pour aboutir à des solutions qui sont ensuite validées à 100% par la pratique. La sécurisation des zones par badigeonnage est également enseignée (technique Suédoise du «painting»). Là encore, un scénario pédagogique et un document «commentaire-justification» viennent étayer cette partie. Les formateurs utilisent le principe désormais bien connu de la démonstration temps réel, suivi de la démonstration «commentée justifiée» puis de l'apprentissage.

L'apprentissage des techniques des lances se poursuit l'après midi. Les stagiaires découvrent d'abord l'attaque indirecte (depuis l'extérieur des structures). L'attaque combinée est ensuite expliquée et démontrée (TOZ à débit maximum) en insistant bien sur les véritables conditions d'utilisons, trop souvent passées sous silence: obligation d'avoir un local ventilé puisque la projection d'eau produira de la vapeur (ceci prenant comme source les documents originaux décrivant cette méthode, c'est-à-dire les documents Américains et Canadiens). Enfin les stagiaires apprennent à réaliser l'attaque la plus précise et la plus économe en eau, utilisable dans les locaux non-ventilés: l'alternance pulsing-penciling, qui sera donc utilisée dans le caisson. La technique de lance se termine par l'apprentissage du passage de porte avec justification de chaque geste, position, action...

Le passage en caisson conclu cette journée. Le caisson est utilisé sans exutoire, pour reproduire le plus fidélement possible les conditions d'un feu de local (un appartement posséde rarement un exutoire...), avec au départ une forte stratification de fumée. Les stagiaires utilisent ensuite les impulsions en petit débit et valident ainsi le fait qu'avec un débit de seulement 150lpm et une ouverture d'une demi-seconde (à peine), ils arrivent à supprimer les flammes sur une surface de plusieurs mètres carrés, à conditions de savoir ou viser!! Lorsque les stagiaires sont tous passés aux impulsions, ils repassent pour éteindre, en alternant pulsing-penciling tout en se rapprochant de la zone de feu. L'extinction se fait sans jamais perturber l'équilibre thermique à tel point que le dernier stagiaire se trouve au pied de la zone de feu pour éteindre, et que tout le monde peut immédiatement se lever sur la zone de feu pour constater que toute la chaleur a été absorbée, sans production de vapeur et avec un plancher qui est resté sec!

Point de vue pratique
D'un point de vue pratique, les formations se déroulent avec des groupes de seulement 6 stagiaires pour une qualité pédagogique et une sécurité maximale. Avec un usage simultané des 3 caissons, ce sont donc 18 stagiaires qui peuvent suivre le cours dans sa totalité, de façon simultanée. Ce nombre devrait d'ailleurs augmenter puisqu'il est prévu d'acquérir d'autres caissons d'ici la fin 2007, en plus des structures complexes (juxtaposés et superposées).

Une formation officielle
Début Mai 2007, les premiers formateurs ont reçu leur agrément de la part du représentant du Ministre, du Gouverneur de la Province et de la Mme la Député en charge de la formation. Les sessions de formations des 600 vont s'étaler de Juin à Octobre 2007 et seront suivies de 2 ou 3 stages de formateurs pour lesquels une quinzaine de personnes sont déjà inscrites (les stages sont ouverts aux Belges et aux non-Belges). Avec ces formateurs en plus et avec la mise en place d'une structure multi-caissons dont les plans sont déjà réalisés, l'Ecole de Jurbise disposera d'un potentiel remarquable.

Durant la formation des formateurs, 36 stagiaires « cobayes » ont déjà permis de vérifier le déroulement. Une formation d'Adjudants se tenant sur cette période, les formateurs en ont profité pour transformer la journée « théorie flashover » des Adjudants en une journée avec pratique, et ont donc accueilli une quarantaine d'élèves dans les caissons. En comptant les formateurs, les premiers stagiaires, les Adjudants et les 600 sapeurs-pompiers, ce sont donc près de 700 sapeurs-pompiers qui auront reçu la formation en Octobre!

En moins de 10 mois, la Belgique, via la Province de Hainaut et l'Ecole de Jurbise, aura donc fait l'acquisition de caissons, les aura installés, aura mis en place un contenu pédagogique de qualité, avec une documentation de plusieurs centaines de pages, aura formé des formateurs et aura formé plus de 10% de l'ensemble des sapeurs-pompiers Francophones du pays.
Décidement, quand la volonté est là, tout est possible!







Cet article provient de Flashover - Backdraft - Fire Gas Ignition
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