Si la capacité du jet diffusé en débit
maximal en terme de protection, est bien avérée, ce n'est pas le cas pour le refroidissement des fumées dont il ne permet pas un refroidissement optimal. En attendant
la sortie du document Jet-Débit-Action dans sa version
2, cet article va faire le point sur les réglages optimaux
pour le refroidissement des zones gazeuses, donc entre autres
des fumées, durant toute la progression et l'attaque. Cette
méthode est déjà enseignée dans de
nombreux pays de façon officielle (Belgique par exemple) et plusieurs unités Françaises optent
pour cette solution, efficace et surtout sécurisante car ne produisant pas de vapeur.
En premier, nous devons nous intéresser à ce
qu'est la fumée. Pour le sapeur-pompier, c'est une zone,
gazeuse, impalpable, chaude et surtout inflammable. Il faut refroidir
cette zone afin de la contracter pour gagner en visibilité.
Refroidir la fumée c'est également retarder son
inflammation, pouvoir passer sous celle-ci donc avancer vers le foyer pour l'attaquer. Mais en même temps, il faut éviter
de toucher les murs et le plafond, car ils sont très chauds:
envoyer de l'eau sur la paroi va provoquer la production immédiate d'une grande quantité de vapeur. Or cette vapeur va être crée entre la paroi et la masse de fumée et va pousser cette fumée sur les intervenants.
Il faut donc refroidir les fumées et pour cela, déposer
des gouttes d'eau dans cette zone impalpable. Ces gouttes doivent y rester le plus longtemps possible, et doivent refroidir une zone qui va se situer devant le porte lance, à une distance correspondant à la distance qu'il va parcourir en avançant. Refroidit à 10m devant lui ne sert à rien!
Pour illustrer notre propos, nous allons analyser des images extraites d'une vidéo. Cette séquence, qui dure
plus d'une dizaine de minutes, est exceptionnelle. A notre connaissance, il n'existe pas d'équivalent, tout pays confondu: cette vidéo montre en effet une lance, utilisée dans 3 débits (150, 300 et 500lpm), avec des angles d'ouvertures différents et des durées d'ouvertures différentes.
Tout étant tourné avec le même angle, la comparaison
est possible.
Etant donné que nous nous intéressons au refroidissement
dfes fumées, nous utilisons un jet diffusé, avec
une impulsion très courte (1/2 seconde). Nous allons donc
comparer 3 jets, qui ont le même angle de sortie, qui sont
tous les trois effectués avec une impulsion d'1/2 seconde,
avec la même inclinaison par rapport au sol. Seul le débit
change.
Sur toutes ces images, le cadre vert symbolise les dimensions
d'un local de 2,50m de hauteur de plafond et de 3,50 de long.
Le trait vertical jaune/orangé, indique la position extrême
à laquelle les gouttes chutent au sol. La zone rouge entoure
le nuage de gouttes. Les images sélectionnées ont
été filtrées afin d'assurer une bonne visualisation
des gouttes d'eau.
La première image montre ce jet avec un débit
de 500lpm. Nous constatons immédiatement trois choses:
- la portée est très grande (cf. position de chute des gouttes) et incompatible avec les dimensions habituelle
des pièces d'une habitation.
- le jet possède une surface globale très importante.
Il dépasse largement le plafond et le mur du fond. Il
va heurter les parois, produire de la vapeur et provoquer un
retour de chaleur vers l'intervenant.
- Le jet ne se forme pas correctement vers l'avant. Son centre semble en effet reculer. En fait, les gouttes sont très
lourdes et retombent. En quelques instants, le jet s'écroule.
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Jet diffusé, 500lpm. Situation en
fin du jet. |
Les deux images suivantes montrent le même jet, mais
avec un débit de 300lpm. En haut, l'angle d'ouverture est
d'environ 45°, tandis que sur l'image du bas, l'angle est
plus grand. Mais le résultat est sensiblement le même.
Bien sûr, la portée est un peu plus faible et la
surface du jet également, mais l'ensemble reste néanmoins
trop grand par rapport à un local conventionnel. A noter
que sur l'image du bas (donc avec le jet plus ouvert), nous assistons à une déformation du jet comme nous l'avions constaté sur le jet à 500lpm. Au lieu de se projeter vers l'avant, celui-ci se creuse dans sa partie centrale. Cela s'explique entre autre par le trop grosse taille des goutets, qui, de par leurpoids, retombent en arrière.
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Jet diffusé. 300lpm. En haut, ouverture
d'environ 45°, en bas, ouverture d'environ 60° |
Les trois autres images montrent encore le même jet,
mais cette fois avec un débit de 150lpm. Là, le
résultat est totalement différent. Plus le débit
diminue et plus le diamètre des gouttes d'eau diminue également.
Rendu à un certain diamètre (donc un certain poids),
leur comportement change entre autres par le fait qu'elles n'ont plus beaucoup d'inertie lorsqu'on les projette.
Sur l'image du haut, nous voyons le jet qui se transforme en une sorte de nuage d'eau. Ce nuage est juste devant le porte lance à une distance idéale car il refroidit la zone dans
laquelle le sapeur-pompier va avancer. Ce nuage ne va pas très loin et n'atteint donc pas le plafond, ni le mur du fond. Sur les deux images suivantes, nous voyons que ce jet, porté
par le courant d'air, ne monte plus, mais avance horizontalement!
Dans un local en feu, il réussira à avancer à
hauteur médiane du local, tandis que les gouttes du bas
seront entraînées vers le foyer, par le courant de
convection.
Note: Dans les articles sur les techniques de lance, celui consacré à la progression montre cette projection de "nuage d'eau" devant le porte lance. La vidéo "progression" (en téléchargement) montre également cet effet de façon très nette. Voir aussi la vidéo sur l'attaque "pulsing-penciling".
Cette vue de profil, montre aussi que la distance à
laquelle se forme le jet, est très trompeuse: lorsque l'on
est porte lance et que l'on ouvre la lance, c'est toujours pour
avoir l'impression que le jet ne va pas assez loin. Ayant eu l'occasion de tester cela sur un feu dans un local de 4m sur 4, j'ai pu constater que la solution idéale consiste à avoir un jet en débit minimum avec un angle d'ouverture de 60° donc
un angle encore plus grand que celui de ces images. Ce réglage s'obtient généralement en tournant la tête de diffusion tout à gauche et en la ramenant vers la droite d'un centimètre. L'angle est alors intermédiaire entre l'angle d'attaque et l'angle de protection. Le nuage d'eau
semble n'avancer que de quelques dizaines de centimètres
alors qu'il parcourt en fait une distance beaucoup plus grande.
En une seule impulsion, le local a été fortement
refroidi, sans aucune perturbation thermique. Il a suffit de quelques
alternances "jet diffusé / jet droit" (comme
préconisé dans Jet-Débit-Action et illustré par le vidéo "pulsing-penciling") toujours
en petit débit, pour éteindre le foyer, sans jamais
toucher les murs, sans perturber le combustible (idéal
pour les enquêteurs!) et sans stress thermique.
Petites gouttes : validation scientifique
La 4éme réunion du GDR (Groupe de Recherche Incendie)
qui s'est tenue en décembre 2006 au CEA de Fontenay-aux-Roses
(France) a été l'occasion de voir plusieurs présentations
relatives aux sprays. Le GDR est un lieu de rencontre pour de
nombreux chercheurs, travaillant pour divers instituts de recherche.
Plusieurs présentations et les discussions qui ont suivi
ont permis de faire des parallèles validant l'usage du petit débit, avec les lances de type DMR, utilisées par les sapeurs-pompiers Francophones. En premier, seules les
petites gouttes possèdent une surface de contact suffisante
pour opérer un refroidissement efficace. Ensuite, seules
les petites gouttes possèdent un temps de contact assez
long pour cette phase de refroidissement et surtout pour s'évaporer
au bon endroit.
Enfin, il a été démontré que les sprays
les plus efficaces étaient les sprays projetés de
bas en haut, car les gouttes montent dans la zone chaude, puis
retombent, augmentant ainsi leur temps de contact. C'est le fait
qu'une installation au sol est difficilement réalisable
dans un tunnel, qui fait que le choix se porte sur les sprays
arrosant de haut en bas. Ceci étant, les lances que nous
utilisons envoyant un jet oblique, nous avons l'avantage d'une
projection puis de la retombée des gouttes, à condition
que cette retombée se fasse au bon endroit, ce que seul
un jet en débit mini peut permettre.
Pour finir, les études montrent que le jet optimal est
un jet poly-diamètre, à majorité de petites
gouttes. Par chance, la qualité moyenne des lances à
main produit exactement cet effet : en petit débit, la
majorité des gouttes sont petites, mais le jet reste néanmoins
un jet poly-diamètre, dans lequel se trouvent quelques
gouttes plus grosses.
Les grosses gouttes qui vont refroidir longtemps
Les recherches montrent également l'inefficacité
des grosses gouttes sur les longues distances. Il est tentant
d'argumenter en disant que si les grosses gouttes vont loin, elles auront l'avantage de refroidir une grande zone, sur tout leur trajet. Les études ont démontré que ce n'est
pas exact. La diminution du diamètre d'une goutte durant
son trajet, est infime. En fait, la goutte chauffe puis s'évapore
d'un seul coup. En clair cela signifie qu'un jet en fort débit
donc avec des grosses gouttes, ne va pas refroidir la zone qu'il traverse, mais va s'évaporer seulement en fin de course
donc trop loin du porte lance et bien souvent, sur le mur ou le
plafond. Alors que l'on pouvait espérer que l'impact sur
les murs pouvait être réduit par l'évaporation durant le trajet des gouttes, nous savons désormais que c'est faux, et que l'impact sur les parois sera catastrophique.
"Nos lances ne sont pas d'assez bonne qualité..."
Cette opération de pulsing doit s'apprendre et change les
habitudes. Or, le sapeur-pompier n'aimant pas particulièrement changer ses habitudes, il a tôt fait d'avancer la piètre qualité de ses lances pour justifier le fait qu'il travaille à fort débit, sous prétexte que ses lances
seraient incapables de produire un jet diffusé correct
en petit débit. Cet argument ne tient pas. Toutes les lances,
sans aucune exception, produiront un jet de plus mauvaise qualité en fort débit qu'en petit. Même en ayant une lance
de qualité moyenne, il faudra apprendre à pulser
en petit débit. De plus, ce n'est pas parce que le matériel
va s'améliorer que l'usage s'améliorera. Si le porte
lance n'a jamais pris conscience des réglages avec son
ancienne lance, comment espérer qu'il soit efficace avec
son nouveau matériel? Ne nous faisons pas d'illusion: un
porte lance a qui l'usage de la lance aura été expliqué,
démontré et qui sera entraîné, obtiendra
toujours un meilleur résultat, même avec une lance
de piètre qualité, qu'un porte lance à qui
aura été fourni un superbe outil, sans aucune explication.
Conclusion
Posséder une lance qui offre une plage de débit allant de 150 à 500lpm permet de garantir une sécurité maximale pour les intervenants. Mais pour ce qui est du refroidissement des fumées, l'usage du petit débit, avec un angle d'ouverture de 60°, inclinée de 45° par rapport au sol, est définitivement la solution optimale à utiliser. Même avec une lance de
qualité moyenne, c'est cette technique qui donnera le meilleur résultat. Il reste simplement à l'expliquer et à
faire des exercices pratiques. Voir la portée du jet en
se plaçant de profil par rapport au porte lance est sans
nul doute une nécessité. Dans le cas contraire,
le porte-lance croira toujours qu'il n'envoie pas l'eau assez
loin !