Dans la majorité des cas, les informations relatives
aux traitements des feux de locaux concernent des feux gérés
par du personnel "à pied", qui pénètre
dans la structure, soit au niveau du feu, soit par usage d'escaliers.
Mais de nombreux incidents surviennent lors des attaques menées
par le biais d'ouvertures de fenêtres, cette ouverture pouvant
être réalisée elle aussi par du personnel
"à pied" ou via des moyens aériens, ce
qui rend les opérations plus complexes.
Les ouvertures
Généralement la pénétration dans la
structure se fait par les portes. La porte est un ouvrant qui
possède plusieurs particularités: elle peut se manipuler
depuis l'intérieur ou depuis l'extérieur, peut être
ouverte puis refermée. Même si on cherche à
l'ouvrir en la défonçant avec une masse, elle peut
néanmoins être refermée (du moins partiellement).
En plus, sa rupture est rarement généralisée:
un trou provoqué dans une porte n'en détruit pas
la totalité. Enfin, la solidité de la porte dépend
peu de la différence de température entre la face
soumise au feu et celle qui ne l'est pas.
La fenêtre est un ouvrant très différent:
elle ne s'ouvre que de l'intérieur de la structure (pas
de poignée à l'extérieur) et il est difficile
de la maintenir partiellement ouverte. En effet, les cales de
bois que l'on peut mettre au sol, pour bloquer une porte, sont
inopérantes sur les fenêtres puisque celles-ci sont
rarement au ras du sol (exception des portes-fenêtres).
Seuls des "bloques portes" tels que ceux travaillant
par chevauchement des gonds pourraient éventuellement servir
à un tel blocage. Ce point est d'ailleurs beaucoup plus
problématique qu'il n'y paraît : la solution la plus
simple pour maintenir une fenêtre ouverte, c'est de casser
les carreaux alors même que maintenir une porte ouverte
peut se faire simplement en la calant avec un objet. Mais dans
le cas de la porte, si l'ouverture s'avère être une
mauvaise idée, il est toujours possible de refermer. Avec
le bris de vitre, le choix est définitif. La position élevée
de la fenêtre empêche également de la maintenir
avec le pied tandis que l'on fait usage de la lance par exemple.
En termes de forcement, la fenêtre est également
différente de la porte: l'usage de leviers, pieds de biches,
moyens hydrauliques ou pneumatiques (JOG) qui s'avèrent
non-destructeurs pour les portes, provoquent généralement
la rupture des vitres des fenêtres, suite à la déformation
de l'huisserie.
La mode de rupture est également différent: la
porte va brûler partiellement et généralement
percer par endroit, en partie supérieure. Ce percement
va permettre une extraction des gaz chauds, mais pas d'apport
de comburant. Dans certains cas, cette extraction des gaz chauds
va même permettre un abaissement de la température
du local. En clair, lorsque la porte cède en partie supérieure,
elle a un peu moins de chances de continuer à se dégrader.
Par contre, la rupture de la fenêtre va généralement
être plus soudaine. Cela vient du fait que les vitres cèdent
par la différence de température entre l'intérieur
et l'extérieur. Cela expliquait que les fenêtres
simple-vitrage se brisaient rapidement lors de l'évolution
des feux.
Ce n'est plus le cas avec les doubles vitrages, du moins jusqu'au
début de la rupture: dés qu'une des deux vitres
du double-vitrage cède (chaleur, choc, déformation
lors du forcement), cela provoque la transformation immédiate
de la fenêtre en une fenêtre simple vitrage, puisque
la couche d'air isolante disparaît. Or, par cette différence
de température, la rupture n'est que rarement partielle:
la vitre se fendille et c'est rapidement toute la surface de verre
qui tombe.
La gestion de l'ouverture (ou devrions-nous dire de la "rupture")
des fenêtres est un point à traiter avec une grande
précaution. Briser des fenêtres alors que des intervenants
se trouvent dans la structure est une opération à
haut risque, qui ne devrait être réalisée
qu'à condition qu'une communication permanente soit établie
(moyens radios efficaces) et que cette ouverture soit demandée
par les intervenants se trouvant dans la structure. Briser une
vitre "pour aider à ventiler" est la pire des
choses à faire, d'autant plus que les feux de locaux sont
toujours dépendants de l'apport de comburant.
Dans le cas des opérations menées par l'extérieur,
avec moyens aériens, le problème se pose de façon
encore plus complexe puisque la fenêtre est (sauf rares
exceptions) l'unique moyen de pénétration, soit
pour des sauvetages, soit pour l'extinction.
Triple vitrage et "maison passive"
Alors que le double vitrage est désormais très
répandu, nous voyons déjà apparaître
des fenêtres en triple vitrage. La raison est simple: dans
un double vitrage, c'est la couche d'air emprisonnée entre
les deux parois de verre qui fait isolation. Plus cette couche
d'air est épaisse, plus l'isolation est bonne, du moins
jusqu'à une épaisseur de 16mm. Au-delà,
des phénomènes "parasites" se produisent
et l'isolation devient moins bonne. Il n'est donc pas souhaitable
de faire du double vitrage avec une couche d'air de 25mm par
exemple, puisque nous aurions alors une isolation moins bonne
qu'avec 16mm d'air. La solution consiste à faire deux
couches de 16mm. Une fenêtre triple-vitrage est donc composée
de 3 plaques de verre (généralement de 4mm d'épaisseur)
et de 2 couches d'air de 16mm d'épaisseur. L'ensemble
fait donc 4+16+4+16+4 = 44mm d'épaisseur...
Cette super-isolation trouve tout son intérêt dans
ce qui est nommé "maison passive". Ce terme
désigne des habitations qui n'ont pratiquement pas besoin
de chauffage. Sachant que l'être humain dégage de
la chaleur et que l'activité ménagère en
dégage également (four, sèche linge, fer
à repasser etc...) une telle production thermique peut
suffire à maintenir une chaleur confortable dans l'habitation,
à condition bien sûr que celle-ci soit bien isolée.
Dans de telles habitations, le chauffage existe, mais n'est utilisé
que durant un très petit nombre de jours. La ventilation
est mécanique et un système récupère
la chaleur en sortie, pour la réinjecter dans l'habitation.
Au niveau des vitrages, la situation est paradoxale: dans une
habitation, ce sont principalement les vitrages qui constituent
le maillon faible de l'isolation. La solution serait donc de
ne pas en avoir. Mais il faut de la lumière et le vitrage
est la solution idéale pour capter la chaleur solaire.
Le triple vitrage est donc une excellente solution puisqu'il
permet d'avoir des surfaces vitrées qui vont laisser pénétrer
la chaleur et la lumière mais qui en même temps
vont éviter la déperdition de cette chaleur. L'évolution
des techniques est telle que désormais, ce n'est plus
la vitre elle-même qui est le point faible, mais le pourtour
(huisserie) de la fenêtre! Alors que pour des raisons d'isolation
et de solidité, il était anciennement préférable
d'avoir de petites fenêtres avec de petits carreaux, la
grande qualité de l'isolation fait qu'il est désormais
préférable de diminuer la surface d'huisserie.
En clair, il faut mieux une immense fenêtre plutôt
que plein de petites!
Comparons 4 fenêtres simple-vitrage de 1m2 chacune, avec
une seule fenêtre de 4m2 en triple vitrage, afin de comprendre
l'impact de cette évolution sur les actions des sapeurs-pompiers:
avec les 4 fenêtres, la rupture d'une fenêtre provoquait
une entrée d'air sur une surface d'1m2 et la chute d'1m2
d'éclats de verre. En regroupant ces 4 fenêtres
pour n'en former qu'une seule, c'est désormais une surface
de 4m2 qui sera disponible pour l'entrée de comburant
(puisque dés le début de la rupture, la totalité
de l'ouverture risque de tomber), mais en plus, le vitrage étant
triple, ce sont désormais 12m2 d'éclats de verre
qui résulteront de la rupture de la fenêtre... |
Les risques
L'apport de comburant débouche sur deux risques principaux.
D'abord les risques explosifs de type smoke-explosion (apport
d'énergie dans un pré-mélange combustible-comburant)
et backdraft (apport de comburant dans un local avec combustible
et énergie potentielle). Dans le cas des ouvertures de
porte, les deux risques existent mais le sens habituel d'ouverture
des portes peut éventuellement en limiter l'impact: si
les intervenants se contentent d'ouvrir partiellement la porte,
sachant que dans la majorité des cas l'ouverture de celle-ci se fait en
poussant, la surpression provoquée par l'explosion refermera
la porte. Dans le cas d'une fenêtre, il n'en sera rien:
même si l'explosion survient alors que la fenêtre
n'est que partiellement brisée, son affaiblissement sera
telle qu'elle cédera immédiatement lors de l'explosion
ajoutant la projection d'éclats de verre à l'impact
de l'onde de choc.
Il faut noter que les explosions ne se produisent pas toujours
via l'ouverture qui a été pratiquée. L'ouverture
d'une porte peut provoquer un backdraft dont la surpression provoquera
l'éclatement d'une autre ouverture, ou même de la
structure : cas de l'éclatement du toit de l'église
St John (Illinois - USA) ou de la verrière supérieure
de la Minoterie d'Ernée (Mayenne-France)). Se trouver devant
un ouvrant, quel qu'il soit, est donc toujours dangereux.
Pour les explosions, le risque est essentiellement présent
dans le cône d'expansion qui se trouve en face de l'ouverture
et aux zones situées en dessous (chutes de matériaux).
La sécurité peut être augmentée par
un positionnement en dehors de ces cônes d'expansion, ou
éloigné de l'ouverture.
En dehors des risques explosifs, nous trouvons les risques
d'inflammation, de type flashover (montée en température
et inflammation générale du local impliqué)
ou flash-fire (apport d'énergie dans un mélange
combustible comburant, s'enflammant sans forme explosive violente).
Dans les deux cas, il va y avoir émission de fumées
surchauffées puis, lors de l'inflammation, accroissement
du volume gazeux par augmentation de la température, donc
présence d'un front de flamme en sortie des ouvrants.
Sachant que la chaleur est émise à environ 30% par
rayonnement et à 70% par convection, l'impact de ces risques
va dépendre de la présence d'un plafond. Dans un
local, la vague de chaleur va heurter le plafond et se propager
horizontalement. Lorsque le flux thermique s'échappe à
l'extérieur (bris d'une fenêtre via un moyen aérien
par exemple), la propagation va être verticale, avec un
impact immédiat et très important sur les étages
supérieurs. Il n'est pas rare de voir les fumées
d'un feu situé à un certain étage, polluer
des étages parfois éloignés et y propager
l'incendie.
Les moyens aériens
L'abord d'une structure via des moyens aériens est une
opération à haut risque: les ouvertures ne peuvent
être que du type "fenêtre" donc des ouvertures
qui seront vite importantes et incontrôlables, avec chutes
de matériaux. La propagation verticale sera difficile à
enrayer et la fuite sera rendue pratiquement impossible compte
tenu de la lenteur de mouvement des moyens aériens.
Les outils de grande longueur ou les outils comme le Strike
(système du même inventeur que le JOG) permettent
de briser les vitres rapidement, en se tenant à plusieurs
mètres de celle-ci, en dehors du cône d'expansion.
Dans le cas ou le bris de vitre ne pourrait se faire qu'en se
mettant en face de la fenêtre, il est nécessaire
de se protéger par des moyens hydrauliques (jet de protection)
et surtout, de déplacer ou reculer rapidement les moyens
aériens sitôt la fenêtre brisée.
Nous parlons de Progressions Rapides du Feu, donc de feu dont
la propagation se fait essentiellement dans des combustibles gazeux
(fumées) avec une vitesse contre laquelle un être
humain ne peut pas grand chose. Bloqué dans la nacelle
de son échelle ou de son bras élévateur,
le sapeur-pompier n'a aucune chance de se sauver, sauf à
sauter, ce qui n'arrangerait certainement pas sa situation. En
clair, soit il est au bon endroit avec les bons moyens et il pourra
réagir, soit il n'est pas bien placé et n'a pas
les bons moyens et il ne pourra que subir.
Moyens hydrauliques et distance d'action
Alors que le jet droit a une portée très supérieure
au jet diffusé, c'est pourtant un jet droit qui est généralement
utilisé alors même que les moyens aériens
sont souvent proches de l'ouverture.
A la rupture de la fenêtre, les fumées s'échappent
par le haut et l'air frais entre par le bas. L'inflammation des
gaz surchauffés va se faire via deux paramètres
plus ou moins liés: l'apport de comburant et l'élévation
de chaleur. L'apport de comburant va modifier le mélange
combustible + comburant et faire évoluer celui-ci vers
des proportions de plus en plus propices à l'inflammation.
En même temps l'apport de comburant va favoriser la reprise
du feu, l'élévation en température et donc
l'inflammation, explosive ou non.
Pour empêcher cette inflammation, il faut refroidir la source
de chaleur tout en diluant les fumées. La source de chaleur
peut-être localisable (élément en feu) ou
plus diffuse (fumées chaudes, au-dessus de leurs températures
d'auto-inflammation ou foyer caché). Même face à
l'ouverture, surtout à faible distance, il sera très
difficile de localiser le foyer. La solution consisterait à
attendre que la fumée s'échappe, mais plus le temps
passe et plus le risque augmente.
Dans pratiquement tous les cas de positionnement des moyens
aériens, les intervenants sont très prés
de l'ouverture. A la rupture de la vitre, la fumée les
gène, d'autant qu'ils ne peuvent pas reculer et que généralement
aucun repositionnement préalable n'est réalisé.
La solution qui vient à l'esprit consiste alors à
utiliser un jet droit et d'arroser sous le flux de fumées,
sans doute dans l'espoir d'éteindre le foyer, mais avec
une faible visibilité précise de celui-ci. La lance
ne traitant pas les fumées, celles-ci restent concentrées
et hautement inflammables. En quelques instants, l'inflammation
se produit, contre laquelle les intervenants ne peuvent pas grand-chose.
En utilisant des moyens hydrauliques éventuellement
moins puissants, mais plus maniables (lance à 500lpm au
lieu d'une lance à 1000lpm), mais surtout en reculant la
nacelle d'un ou deux mètres et en se servant de la lance
en jet diffusé, la situation peut évoluer différemment.
Avec un angle de jet ouvert à 30° et en déplaçant
la lance, la zone de refroidissement des fumées peut être
importante, sans pour autant être pénalisée
par la perte de portée, à condition évidement
que la pression à la lance reste correcte (pour rappel,
sur les lances actuelles en basse pression, il est nécessaire
d'avoir 7 bars à la lance sauf cas spéciaux indiqués
par le constructeur). Avec un débit de 500lpm, les gouttes
possèdent un fort pouvoir de pénétration
(gros débit = grosses gouttes = fort pouvoir de pénétration),
tout en couvrant une surface nettement plus importante que le
jet droit. Chercher impérativement à éteindre
en premier la source, donc le foyer, ne présente pas un
grand intérêt: dans les feux de locaux, ce sont les
fumées qui constituent le danger principal, dont il faut
s'occuper prioritairement.
De plus, en étant reculés de quelques mètres,
les intervenants peuvent continuer à arroser, même
en cas d'inflammation des fumées. Dans le cas contraire,
leur seule issue sera de battre en retraite, privant l'intervention
d'un moyen aérien très précieux: rien ne
sert d'avoir un moyen hydraulique puissant si la proximité
du foyer empêche de s'en servir.
A noter également qu'avec une lance en jet diffusé,
débit important et angle de seulement 30°, il est possible
de pratiquer une attaque "combinée" (ZOT) dans
le local, depuis l'extérieur. Cette attaque produit de
la vapeur, mais comme elle se pratiquera depuis l'extérieur,
via une ouverture, le risque de brûlure sera minime, là
encore à condition que la nacelle ait été
éloignée.
Note: bien évidement, quel que soit le type
d'incendie, le port de la tenue de feu complète avec casque,
gants, cagoule etc... est obligatoire, tout comme le port de l'ARI.
Le placement
Une simple analyse des photos d'incendie d'immeuble, montre une
constance en termes de propagation et de fumée. Dans un
incendie, la propagation se fait à environ 70% par convection,
donc vers le haut. En plus, la fumée est sensible au vent,
qui est souvent important lors des interventions en hauteur. Sous
le niveau de feu, le danger est minime. Juste au-dessus, il est
important. Sur les côtés en hauteur, il devient de
plus en plus faible, malgré une très forte dépendance
au vent.
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Photo de gauche: en rouge, zone de feu, en
bleu zone de danger. Elle est sensible à la chaleur émise
par la zone de feu, et sera envahie rapidement par les fumées.
Sur la photo de droite, la zone de danger est fortement déplacée
par le vent. |
Plusieurs hypothèse de placement des moyens aériens:
- En dessous du plan du feu. Dans ce cas le danger est moindre,
bien que des chutes de matériaux soient toujours possibles.
Ne pas oublier que si le sapeur-pompier dispose d'un casque, ce
n'est pas le cas des personnes évacuées.
- Sur le même plan que le feu, mais sur le côté.
Dans ce cas, il faut se méfier du vent qui peut dégager
un des côtés, et provoquer la pollution de l'autre.
Attention aux changements de vent! Dans le cas d'une action menée
avec des moyens importants, les ventilateurs peuvent être
utilisés pour "pousser" les fumées et
dégager les zones proches du foyer. Cette méthode
a été observée aux USA, avec des ventilateurs
montés sur les nacelles des bras élévateurs.
Elle ne fonctionne évidemment qu'en l'absence de vent violent,
les ventilateurs étant alors incapables de lutter contre
ce vent.
- Au-dessus du feu, sur les côtés. La distance par
rapport au feu va avoir un impact important sur le choix tactique.
Plus la distance est faible, plus le danger est grand et va se
rapprocher du cas d'une action juste au-dessus du feu.
- Juste
au-dessus du feu. C'est la position la plus délicate. Imaginons
que nous ayons un feu au 3éme étage et que des sauvetages
soient nécessaires juste au-dessus, au 4éme.
- Cas 1 - La fenêtre du 3éme a cédé.
Dans ce cas, la convection empêchera toute extraction des
victimes au 4éme. Celles-ci seront en effet brûlées
avant de pouvoir redescendre. Seule une attaque puissante du
feu au 3éme permettra d'effectuer les sauvetages. Idéalement,
il faut conjuguer l'attaque par l'intérieur avec celle
par l'extérieur, afin de maîtriser le plus rapidement
possible l'incendie.
- Cas 2 - Le fenêtre du 3éme est intacte. Dans
ce cas il est préférable d'en éviter la
rupture. Mais en même temps, il faut prévoir des
moyens permettant de réagir si elle cède. Il est
impensable de dresser une échelle au 4éme et de
sortir les victimes en "espérant" simplement
que la fenêtre du 3éme pourra tenir! La solution
consiste sans doute à dresser l'échelle au 4éme,
mais à placer une lance en attente en face de la fenêtre
du 3éme (au milieu d'un plan de l'échelle par exemple).
Alimentée, réglée en jet diffusé
assez large, cette lance sera mise en attente avec un sapeur-pompier
prêt à l'ouvrir. Si la fenêtre cède,
cette lance pourra servir pendant quelques instants à
couvrir la retraite des intervenants situés plus haut,
ainsi que des victimes.
Dans tous les cas, l'échelle doit être commandée
par un opérateur resté au sol, très attentif.
Espérer que des sapeurs-pompiers, dans une nacelle, entourés
par le feu, vont garder l'esprit clair pour piloter leur échelle,
est un pari risqué.
Il peut être bon de citer Vincent DUNN (ancien Deputy
Chief du FDNY), bien connu pour ses publications sur les incendies,
et qui indique: "Les solutions pour sauver les personnes
qui se trouvent dans un immeuble en feu, sont dans l'ordre du
meilleur au moins bon: les tours d'évacuation étanches
à la fumée, les escaliers encloisonnés, les
issues de secours incendies, les plateformes aériennes,
les échelles aériennes" ("50 Ways
Firefighter Lives - Newsletter Juillet-Aout-Septembre 2005).
En clair, les moyens aériens sont considérés
comme les moins bons et il faut si possible leur préférer
les moyens utilisant la structure elle-même, tels que les
escaliers encloisonnés ou les issues de secours.
Or pour garantir l'évacuation par les moyens les plus sûr,
il faut encore et toujours revenir au grand principe des feux
de locaux: attaquer pour sauver.
Cas extrêmes
Le cas de l'église St John montre l'absence de solution
idéale. L'échelle aérienne est déployée
au-dessus du toit de l'église et une équipe pénètre
dans le local par une porte donnant sur l'extérieur. Il
n'y a pas de fumée visible. A l'ouverture de la porte l'équipe
perçoit une pénétration rapide de l'air,
suivi d'une explosion (backdraft classique). L'apport d'air étant
réalisé par un couloir étroit, l'onde de
choc ne ressort que partiellement par ce chemin, bousculant les
sapeurs-pompiers qui ont ouvert la porte. Mais la majeure partie
de l'onde de choc provoque l'éclatement du toit, sur une
grande surface. Soulevé de plusieurs mètres, le
toit heurte l'échelle aérienne, provoquant la chute
du sapeur-pompier s'y trouvant. Grièvement blessé,
il ne devra sa survie qu'à la réaction rapide de
ses collègues.
Dans ce cas, rien ne pouvait permettre de déterminer
un meilleur emplacement pour l'échelle. La solution idéale
n'existe donc pas: il faut simplement (et comme toujours) mettre
en oeuvre des actions qui, en se cumulant, optimiseront progressivement
les conditions de sécurité. N'entreprendre une amélioration
qu'à condition que les solutions soient "parfaites"
est la meilleure excuse pour ne jamais rien faire et continuer
à subir.
Sachant que l'intervenant n'aura pas la possibilité de
se sauver, la tenue de feu doit être parfaitement mise en
place: la cagoule ne doit pas laisser apparaître de peau,
le port des gants "textiles" est impératif: les
gants cuirs se rétractent à la chaleur, occasionnant
de très graves détériorations des doigts.
De même, les intervenants doivent être attachés
afin d'éviter qu'en cas d'explosion, ils ne soient projetés
au sol.
Beaucoup de chance
L'évacuation d'une personne par une fenêtre, au-dessus
du plan du feu, peut s'avérer catastrophique. C'est uniquement
par une grande chance et une réaction rapide que la situation
peut être non pas maîtrisée, mais que l'on
peut éviter qu'elle ne devienne trop catastrophique. Nous
en avons l'exemple avec le récit de l'action de Kevin Mitchel.
|
Le 7 août 1998 à 4:27 de l'après midi,
la Ladder Company 17 de Boston (USA) a été alertée
pour un feu de niveau 6. Dés l'arivée sur les lieux,
les engins ont été positionnés à
l'arrière d'une bâtisse de 6 étages (stockage
et habitation) pour dresser l'échelle aérienne
et procéder aux sauvetages des personnes présentes
dans les étages supérieurs.
Le sapeur-pompier Kevin Mitchel est monté à l'échelle
et a trouvé une femme à la fenêtre du 4éme
étage, fenêtre déjà envahie par la
fumée. Alors qu'il était en train d'aider cette
personne à venir sur l'échelle, le feu est passé
au travers de la fenêtre située juste en dessous.
Pour éviter que cette femme ne soit brûlée,
il a eu le bon réflexe de la repousser immédiatement
dans l'appartement, de la protéger avec son masque et
de se diriger rapidement avec elle vers l'escalier intérieur.
Tenter de la descendre par l'échelle aurait conduit sans
nul doute à de graves brûlures pour le sapeur-pompier
est au décès de cette personne. |
Incapable de descendre via l'escalier à cause de la chaleur
et de la fumée, ils sont alors retournés à
la fenêtre. Pendant ce temps, des moyens hydrauliques puissants
avaient permis de maîtriser le feu violent du 3éme
étage. Mitchel a alors pu remettre la personne sur l'échelle,
puis l'a guidée jusqu'au sol.
Même si l'issue a été heureuse, une analyse
des risques méritent néanmoins d'être faite:
Nous pouvons être certains que l'action de Mitchel consistant
à repousser la personne dans la pièce, à
aller à l'escalier puis à revenir, n'a duré
qu'un temps très court, qui a pourtant suffit pour mettre
en oeuvre une attaque suffisante pour "tuer le feu" du
3éme étage. La question peut donc se poser: était-il
judicieux de tenter des sauvetages au-dessus du plan du feu, sans
avoir préalablement commencé une attaque? Dans les
circonstances actuelles, cela n'aurait retardé le sauvetage
que de quelques dizaines de secondes. Par contre, imaginons que
l'échelle, une fois la victime placée dessus, ait
été simplement reculée d'un mètre,
ou simplement que la victime ait descendu quelques barreaux: il
aurait alors été impossible de repousser cette femme
dans l'appartement, et elle serait certainement morte brûlée
vive sur l'échelle. Inconscience de la victime, impotence,
recul de l'échelle, manque de présence d'esprit
du sapeur-pompier, etc... sont autant de paramètres qui
auraient pu conduire au drame. Au contraire, la lutte rapide et
puissante contre le feu n'auraient retardé le sauvetage
que d'une durée sans conséquence pour la victime,
mais en augmentant considérablement les chances de réussite.
Seule la chance, et l'excellente présence d'esprit de Kevin
Mitchel ont permis de rétablir la situation. Mais tout
le monde n'aura pas cette chance et ce réflexe...