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IGH - Tours polycentriques
- Paru le 01/03/2005
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Tactique et Pratique bulletArticle: Tactique X - Cours IV


La mise en sommeil prolongée de Flashover.fr n'a pas permis de poursuivre la parution de l'article Tactique X et du cours de tactique IV. Cependant le travail s'est poursuivi de façon intense, en dehors du site, en vu de résoudre certains problèmes d'organisation des interventions.
Cet article a pour objectif de présenter une sorte de nouvelle série, réalisant le lien entre les articles sur la tactique et les cours sur ce sujet. Car, après beaucoup de recherches et d'essai, nous pensons avoir trouvé (enfin!) la solution aux problèmes tactiques.

Résumé des épisodes précédents
Flashover.fr a été ouvert en 2004, il y a donc plus de 12 ans. En 12 ans, on pouvait espérer que les choses allaient avancer, mais force est de constater que ce n'est pas le cas. Disons que "ça bouge" mais bouger ne signifie pas avancer. Evidement les choses ont évolué mais sur une période de 12 ans, nous étions à même d'espérer un peu plus de progrès.
Si nous nous contentons que croire qu'il suffit d'acheter de nouvelles lances pour tout résoudre ou de connaître telle ou telle technique, nous restons avec une vue limitée du problème. Lorsque nous prenons du recul afin de comprendre le fonctionnement général d'une caserne et d'une intervention, nous constatons que ce fonctionnement dépend de plusieurs paramètres et que les liens entre ces paramètres qui devraient être logique et efficaces, ne le sont pas forcément.

Reprenons donc la liste de ces paramètres afin d'insister sur leurs liens. En effet, tout le travail qui été fait sur flashover.fr durant les années 2014, 2015 et 2016 a consisté à réaliser cette analyse, à arriver à la conclusion que ce manque de lien étant certainement responsable d'une bonne partie des difficultés et ensuite à résoudre ce problème de lien. Nous allons donc commencer par un petit résumé.

Les 4 phases
Une intervention qu'elle soit de type incendie, secourisme, secours routier etc... est un événement qui fait parti d'un contexte plus vaste. Cet ensemble est composé de 4 éléments: la stratégie, l'opératif, la tactique et les techniques.
La stratégie c'est ce que l'on prépare lorsqu'on ne sait pas ce qui va arriver, ni quand cela va arriver, ni où. D'une façon simple, on peut dire que c'est la conception des plans, le choix de l'emplacement des poteaux etc... Nous verrons plus tard qu'il y a en fait de nombreux autres éléments. L'opératif c'est l'action qui, en sachant ce qui se passe et où, envoie sur place les éléments permettant de gérer l'événement. C'est en quelque sorte l'appel du témoin de l'accident et le déclenchement des secours. La tactique c'est la mise en place locale, de ce qui a été prévu au niveau de la stratégie, avec les éléments que l'opératif à mis a disposition du chef qui agit localement. Les techniques, c'est ce que l'opératif a mis à disposition, tant en terme de matériel que d'humains avec leurs compétences. L'association correcte des techniques, association réalisée par la tactique, permet de mener à bien les actions de l'intervention.
Si l'on parle en terme de surface, la stratégie englobe la totalité du territoire, tandis que la tactique se limite au lieu de l'intervention.

La facilité: se focaliser sur les techniques.

Dans la quasi totalité des cas, les actions de formations et d'amélioration des sapeurs-pompiers sont axées sur les techniques. Or, ceci ne fonctionne pas. Donc pourquoi insister? En premier nous devons avouer que les techniques que nous mettons en oeuvre sont toutes très simples. N'importe quel imbécile est capable de poser un collier cervical, de dérouler un tuyau, d'ouvrir une lance ou de découper la porte d'une voiture. Or, si d'un côté nous n'utilisons que des techniques simples pour ne pas dire "simplistes" d'un autre côté la population nous considère comme des héros. Il y a donc là une sorte de contradiction: difficile de dire que ce que l'on fait, c'est facile, quand la population pense le contraire. Tout comme celui qui n'a pas un gramme de muscle couvre les murs de sa chambres de poster de Stalone, le pompier qui sait à peine faire une règle de trois va chercher des explications scientifiques à des choses simple, va chercher à complexifier le geste de base. On complique au lieu de simplifier. Se focaliser sur les techniques a donc l'avantage de faire croire que l'on est très fort. De plus, les techniques font appel à du matériel ce qui est fortement apprécié par les vendeurs...
Ce qui est paradoxal c'est que l'on dit souvent que nous évoluons dans une société qui est de plus en plus individualiste mais en même temps nous faisons évoluer toutes les formations dans ce sens d'individualité: tout le monde cherche à avoir "sa" sangle de sauvetage, "sa" lampe etc... Un coup d'oeil aux photos de formations montre principalement des actions individuelles. Le "sauvetage de sauveteurs" fait la part belle aux passages remplis de fils de fer dans lesquels "le" sapeur-pompier doit évoluer. Au niveau des techniques de lance, seules les photos diffusées sur flashover.fr montrent des binômes (et va bientôt montrer des techniques à 2 binômes).
Le problème c'est que nos actions en interventions sont obligatoirement des actions de groupes. Il ne suffit donc pas d'avoir des outils (on nommera ici outils aussi bien les équipements que les méthodes), encore faut-il être capable de les lier entre eux, de façons correcte et synchroniser. Et cette action de lier entre eux les outils, en fonction des circonstances, c'est la tactique.

La tactique: une affaire d'intelligence
Le difficulté c'est que la tactique cela ne s'apprend pas avec une seule personne, des formules ou du matériel, mais avec un groupe. La tactique c'est "faire appel à l'intelligence de l'autre" (pour reprendre le mode de pensée de l'Ecole Militaire de Saint Cyr), c'est analyser. Cela ne coûte rien à faire, mais cela ne rapporte rien: on vend des lances mais on ne vend pas de "tactique". De plus, le formateur qui, dans le cadre d'une technique, va "montrer qu'il est très fort", n'a aucune chance d'être un bon formateur tactique. Dans le cadre d'un cours de technique, le formateur peut montrer son "savoir": cette démonstration est logique et nécessaire, mais avouons que souvent cela sert au formateur à se valoriser. Or, il n'existe pas de solution tactique précise: chaque stagiaire doit analyser et déterminer la solution qu'il estime la mieux adaptée. Ce n'est pas forcément celle que le formateur aurait choisi, mais le formateur doit alors s'effacer devant la solution choisie par le stagiaire.
Impossible de se valoriser comme formateur, pas de matériel à vendre... autant dire que la tactique n'est pas un domaine "vendeur". Pourtant, s'il n'y a que de la technique, le résultat reste mauvais. Ce qui est le actuellement le cas.

Note: lorsque nous regardons l'évolution des secours nous constatons que c'est l'action individuelle qui prime de plus en plus. Or la pente est glissante: au lieu de se demander comment gérer un fourgon à 8, on passe l'équipage à 6, puis à 4. Au lieu de gérer une ambulance à 4, on ne met que 3 secouristes, puis 2. On fait de soit disant économies mais le fond du problème c'est qu'on a jamais réussi à améliorer la gestion des équipes. Donc en détruisant le concept d'équipe, on pense éliminer le problème. Sauf que cette réponse n'est valide qu'à court terme.

La stratégie: prévoir pour faire
A l'autre bout de la chaine, nous avons la stratégie qui décide de "comment on fera". Si la stratégie décide du lieu d'installation de la prochaine caserne ou réalise la cartographie du territoire, c'est aussi la stratégie qui va définir la formation, les achats d'équipements.
La stratégie dit "comment on fera" et sur place le chef met en oeuvre ses compétences en tactique pour "faire ce qui est prévu par la stratégie" et ce avec les techniques.
Le problème c'est que les formations sont rarement déterminées au niveau stratégique: on forme parce qu'on aime ça et de plus en plus de "petites formations" voient le jour, sans être intégrées dans une approche stratégique.
Nous avons donc d'un côté des techniques et de l'autre des achats de matériels sans lien avec ses techniques et enfin des stratégies qui ne prennent en compte ni les matériel ni les techniques. Comme tout évolue de façon désordonnée et surtout à des vitesses et avec des contraintes différentes, nous nous retrouvons avec une sorte de mouvement perpétuel, ça "brasse de l'air" mais ça n'avance pas: ainsi à la sortie du GNR EF-EGE, c'est le "crayonnage" qui a tenté de s'imposer comme technique de lance. Mais alors que cette mise en place n'étant pas encore faite, on est passé au "pulsing", sans plus de succés. Et maintenant alors que tout le monde n'est pas formé et que l'aspect stratégique n'a pas évolué, c'est l'attaque de transition qui va tout résoudre.... avant la prochaine méthode merveilleuse.

Stratégie et tactique; absence de lien
Reste que cette vue globale amène à se poser deux questions: d'abord la tactique n'arrive visiblement pas à recevoir les requêtes stratégiques ce qui pose donc la question du transfert d'information stratégie - tactique. Ensuite s'il y a un énorme mouvement au niveau des techniques, il n'y a ni remonté de ces évolutions au niveau de la tactique et encore moins au niveau stratégique ce qui amène à se poser la question du transfert d'information technique+tactique vers stratégie.

Prise de façon isolée, quasiment n'importe quelle technique paraitra intéressante. C'est en voyant comment l'inclure dans un processus tactique donc en voyant si elle permet la mise en oeuvre de la stratégie qu'on pourra déterminer si cette technique est réellement intéressante. Le manque de lien descendant (stratégie-tactique) et le manque de retour terrain (tactique-stratégie) expliquent la majorité des problèmes.

Détaillons un peu. Imaginons une Doctrine et une stratégie très générale du genre "vous devez éteindre le mieux possible". Sur le terrain, le chef mettra en oeuvre une tactique permettant "d'éteindre le mieux possible". Le problème c'est que "éteindre le mieux possible" cela ne veut pas dire grand chose: que nous éteignions avec 50 litres d'eau ou avec 50.000, cela peut-être considéré comme "le mieux possible".
Or l'objectif étant extrêmement vague, il n'est pas mesurable. Il n'est donc pas possible de faire de remonter d'information.
En fait, puisque la stratégie ne connait pas exactement ce que les techniques permettent de faire, la stratégie reste floue. Comme elle reste floue, elle ne guide pas les choix tactique de façon claire. Et comme les choix tactiques ne sont pas guidés par un objectif précis, les résultats des choix tactiques ne sont pas mesurables. Il n'y a donc pas de remonté d'information vers la stratégie, qui reste donc floue etc... le système est dans un cercle vicieux et ne s'en sort pas, les évolutions n'étant que spasmodiques.

Exemple: les lances
Prenons un exemple concret avec le choix des lances. En premier, comprenons bien que les choix stratégiques ne sont pas seulement liés aux techniques mais à l'ensemble d'un service. Au niveau militaire, si la technique consiste à tirer avec un fusil et si la tactique détermine la position des troupes sur la champ de bataille, la stratégie va quant à elle concerner aussi bien les relations diplomatiques avec les autres pays (ambassades, relations commerciales, espionnage, influence...) les achats (achat d'avions longue ou courte portée, des chars ou non...), le recrutement etc...

La seconde guerre mondiale donne une excellente vision de ces liens, spécifiquement sur l'année 1940 du fait de la rapidité des opérations. Les choix du IIIéme Reich en terme de méthode de combat ont fait la part belle aux blindés (éléments matériels et techniques), ce qui a donné des tactiques particulières (attaques en groupe sans se mélanger aux fantassins) et des choix stratégiques (en 1940 fixation des armées Alliés par attaque sur les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique puis traversé rapide des Ardennes par les corps Blindés sous les ordres de Rundstedt pour contournement des unités alliées).

Les éléments sont donc indissociables, mais surtout, ils sont liés dans tous les sens: les choix stratégiques influent les choix tactiques mais les choix tactiques influent aussi les choix stratégiques et il en est de même au niveaux des choix techniques: on peut toujours décider que l'attaque se fera par mer (choix stratégique) mais si on ne dispose pas de façade maritime, l'organisation tactique d'une telle opération sera évidement impossible! Et s'il n'y a que le choix stratégique du mode d'attaque mais que la partie "achat/construction" de la stratégie n'est pas conforme, cela ne fonctionnera pas: même si l'on a une grande façade maritime et que l'on décide d'attaquer par mer, encore faudra-il avoir fait fabriquer des navires!

Or, chez les Sapeurs-Pompiers, ce lien entre les 3 composantes n'existe pas ou peu. La stratégie est imposée par le haut commandement, principalement sur des bases politiques et financières. Les choix techniques sont le fait des formateurs qui suivent plus ou moins les documents de cours, qui sont issu du bureau formation, sans lien avec la stratégie. Quant à la tactique, elle est coincée entre les deux.

L'achat des lances est un bon exemple. Lorsque l'on passe en caisson flashover, on utilise une lance en impulsion. Or, quelque soit le temps d'impulsion, le débit et l'angle, à partir du moment ou on envoi de l'eau sur un élément chaud, il y aura un effet. En clair, même avec une mauvaise technique et une lance inadaptée, on aura un effet et l'on pourra croire que cet effet est bon. Par contre, si on a la possibilité de tester plusieurs lances différentes, avec des temps d'ouverture différents, des angles différents etc... on se rendra compte que les résultats varient. Ainsi, les lances dont on règle le débit au levier (lances dites automatiques avec boisseau coulissant) donnent toutes, sans exceptions, des résultats inférieurs aux lances dont on règle le débit avec une bague. De même les lances à denture fixe métallique (double denture) donnent toutes des résultats meilleurs que les lances à turbines et que les lances à dentures fixes "caoutchouc". En résumé, les meilleures lances sont les lances à dentures doubles, métalliques, avec réglage de débit "à la bague". Dans le palmarés de tête, on trouve la Debikador de POK, la Quadrafog de TFT, les lances Akron puis les Rosenbaueur etc...
S'il est décidé, au niveau stratégique, que l'on va entrer et combattre par refroidissement des fumées, il faut donc acheter des lances adaptées à ce choix et former le personnel en conséquence. Si par contre le choix stratégique se porte sur des attaques par l'extérieur, les achats devront être différents tout comme la formation: on ne décide pas d'avoir une stratégie basée sur une supériorité aérienne tout en achetant des chars d'assaut et en laissant le personnel passer des heures à apprendre à se battre au couteau!

Tout est lié. Attention, cela ne veut pas dire que c'est la stratégie qui impose tout! Le niveau stratégique doit aussi être à l'écoute du terrain, afin de moduler les choix en fonction de l'efficacité. Aux USA les habitations sont principalement en bois sur les secteurs ruraux. La découpe de toits, de murs extérieurs ou de cloison est très facile. Et les risques d'effondrement sont grands. Les outils de découpe sont donc très utilisés, tout comme la ventilation et les méthodes d'extraction des victimes. En Europe, les murs sont beaucoup plus solides et les risques d'effondrement sont moindres.
Aux USA, le fait de passer beaucoup de temps sur les méthodes de sauvetages et de découpe mais très peu de temps sur les techniques de lance, cela se justifie. Mais en Europe, prendre cette direction est certainement une erreur car les conditions ne sont pas les mêmes.
Si l'on compare avec le niveau militaire, les Suisses ne vont certainement pas investir des milliards pour construire des sous-marins ou des porte-avions sous prétexte que les Britanniques ont une flotte de guerre très importante!

L'opératif: le maillon faible ou manquant
Ceci étant si nous avons des problèmes dans le lien stratégie - tactique, nous ne devons pas oublier qu'entre la stratégie et la tactique se trouve l'opératif. Element indispensable et trop sous-estimé. Si on analyse de prèt l'opératif donc cet élément de liaison stratégie - tactique, on perçoit les manques. Par contre, si on n'analyse pas ce lien, on reste dans l'ignorance de ce manque.
Or, nous constatons aujourd'hui que le lien opératif est de plus en plus laissé à des non-opérationnels: dans la plupart des services, la personne qui prend les appels d'urgence, n'est pas Sapeur-Pompier. C'est un simple "civil" qui prend les appels d'urgence comme on prendrait les appels de service après vente pour un produit quelconque. Il y a donc un déficit en stratégie, une transmission stratégie-tactique laissée pour compte et un déficit tactique associé à des techniques qui évoluent de façon isolée.

Une réponse opérative
Il y a 3 ans environ, l'ANSB (Asso des sapeurs-pompiers du Brésil) a commencé le développement d'un outil informatique de gestion de caserne. Dans le cadre de cet outil, une grosse partie "pré-opérationnelle" a progressivement vue le jour, tandis qu'au niveau formation un effort énorme a été fait sur le niveau tactique. Après 3 ans de développement, le système s'est trouvé totalement bloqué autour du niveau opératif. En clair, si la stratégie, les méthodes tactiques et les techniques ont été développées de façon synchrone et compatible, l'ANSB s'est trouvée confrontée à un problème opératif: comment transmettre, au moment de l'opération, les données stratégique vers le niveau tactique.
Comment faire pour que le niveau tactique ne soit pas isolé mais qu'il soit fortement appuyé par le niveau stratégique?
Cette question a pris toute son importance lorsque l'ANSB a cherché à mettre en place un système de feed-back, donc de retour d'information: l'intervention est terminée et le chef doit faire un compte rendu. Mais quel compte rendu et pourquoi? Un compte rendu avec l'heure de départ et d'arrivée ne donne rien. Il faut savoir quel outil a été utilisé, pourquoi, comment, si l'usage a été efficace ou non. Or pour noter tout cela il faut du temps et il faut que les informations soient ensuite utilisables et utilisés. Forcer les chefs a écrire pour ensuite archiver les documents, cela ne sert à rien!
La solution a consisté à développer non pas un outil, mais trois: un système qui gère l'organisationnel et la partie stratégique au travers de plans, cartes, listes d'outils, de personnes etc... Un autre système (tactique), fourni au Chef tout ce qui lui permet de gérer son intervention, ses hommes, ses outils etc... et enfin un troisième système, placé entre les deux précédents, analyse les données et rempli l'outil tactique avec les données stratégiques nécessaires en fonction de l'événement.

Dans le prochain article, nous présenterons cet ensemble de trois outils informatiques qui, de par leur liens, réalisent le transfert d'information entre la stratégie et la tactique et ensuite la remonté des résultats pour une amélioration constante.

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