L'usage des gants est obligatoire lors des interventions, mais
les gants ne mettent pour autant les mains à l'abri des
dangers.
Lors d'un récent brûlage de mini-maison, nous avons
été confronté aux limites de résistance
de nos gants de cuir. Ceux-ci, conformes à la NIT, sont
de marque Espuna. Cuir avec Kevlar, ils résistent relativement
bien à la chaleur, sans pour autant protéger aussi
bien que les gants textiles.
Nous étions en train de réaliser nos expériences
de backdraft, lorsque nous nous sommes rendu compte que la position
relative du vent et de la boîte à backdraft, nous
empêchait d'obtenir les bons effets. Nos trois containers
flashover, jumelés entre eux, offrant des recoins, nous
avons donc déplacé la boîte (qui était
donc en feu) pour la mettre à l'abri.
Durant ce déplacement, nous avons commencé à
ressentir une chaleur de plus en plus forte au niveau des mains,
jusqu'à déposer rapidement la boîte lorsque
nous sommes arrivés à destination.
Le geste automatique de secouer les mains pour avoir moins chaud,
n'a strictement rien donné. Pire, il nous a semblé
que la température continuait à augmenter, jusqu'à
devenir totalement insupportable. Nous avons donc retiré
rapidement nos gants, afin de ne pas être brûlés.
Quelques minutes après, nous avons constaté que
les gants étaient toujours très chaud, et surtout
qu'ils étaient déformés.
Que s'est-il passé ?
Techniquement, l'explication est assez simple. Les gants sont
composés de cuir puis de tissus et de Kevlar. Mais entre
ces couches, c'est surtout la présence d'air qui permet
l'isolation et qui permet au Sapeur-Pompier de ne pas trop ressentir
la chaleur.
Ceci étant la chaleur ne se conserve pas. Elle tend obligatoirement
à se déplacer de l'élément le plus
chaud vers l'élément le plus froid. Dans un local,
lors d'une intervention, l'élément le plus froid,
c'est vous. Inévitablement, la chaleur va chercher à
pénétrer vos vêtements pour vous atteindre
puisque vous êtes l'élément le plus froid.
Dans notre cas, la chaleur de la petite boîte en feu était
" attirée " par nos mains.
Or, en tenant la boîte, nous avons écrasé
les couches protectrices composant nos gants et donc supprimé
les couches d'air. La chaleur a donc réussi à passer
et à atteindre nos mains, ce qui explique qu'au fur et
à mesure, nous sentions cette chaleur s'accroître
et devenir insupportable.
Mais en relâchent la boîte, n'étant plus
en contact avec la source de chaleur, nous n'aurions pas dû
continuer à avoir chaud aux mains ? Et bien si. Car en
relâchant la boîte, nous avons permis aux couches
protectrices de reprendre leur place et donc de recréer
les couches d'air isolantes. A ce stade, la chaleur qui avait
réussi à passer au travers des couches lors de leur
compression, s'est trouvé piégée contre nos mains,
incapable de repartir puisque les couches de protection étaient
redevenues fonctionnelles.
C'est ce qui explique que nous avions la sensation que la chaleur
continuait à augmenter, et que la seule issue a été
de retirer les gants.
La déformation
Mais étant donné que la chaleur était importante,
nous avons assisté à la déformation des
gants. Ceux-ci se sont racornis au niveau des doigts, serrant
ceux-ci à leur extrémité et augmentant sensiblement
l'effort nécessaire pour les retirer. Outre le fait qu'en
plein milieu d'un feu, il soit difficile de retirer ses gants
car cela mettrait les mains nues au contact de la chaleur, il s'avère qu'attendre un peu trop longtemps risque de piéger les mains dans les gants. A noter que par la suite, nous avons également constaté que l'extrémité des doigts des gants était devenu très dure, et qu'il était donc impossible de remettre les gants. Perdus pour perdus, nous les avons mis dans l'eau pour les ramolir, puis nous avons appliqué un produit pour le cuir. Malgrès cela, la souplesse n'est pas complétement revenue. |
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Il ne semble y avoir que deux solutions :
Tout d'abord, éviter de toucher quoi que ce soit, ou du
moins, éviter le plus possible d'appuyer ou de serrer quelque chose
de chaud. En effet, nous avons eu la très nette impression
qu'au moment où nous avons ressenti la chaleur, c'était
dans la phase montante de celle-ci. C'est-à-dire que l'on
sent que ça chauffe, mais quand on le sent, ça continue
à chauffer ! Le geste machinal de lâcher l'objet
ayant pour effet de reconstituer les couches de protection, la
chaleur continue à augmenter alors que, psychologiquement,
on s'attend à ce qu'elle s'arrête. Il y a donc un
moment de surprise, qui est suivi d'une sorte d'incompréhension.
Ce n'est qu'après avoir (là encore) machinalement
secoué la main (geste classique du " houlala c'est
chaud ") qu'on pense à retirer le gant. Inutile de
dire que le temps qui s'est écoulé a largement été
suffisant pour qu'une brûlure survienne.
Autre solution (à voir!) peut-être serrer rapidement un objet froid.
En le serrant la couche protectrice s'écrasera, et si l'objet
serré est froid, il attirera la chaleur, qui pourra donc
quitter la main.
En tout cas, il faut réagir très vite et ne pas
trop présumer de la protection que nous donne nos tenues,
d'autant plus qu'avec des gants textiles, il est certain que le
même phénomène se produira, avec d'autant
plus de puissance que la protection est d'autant plus grande.
Important : la marque Espuna, qui fourni les gants
en question, ne saurait en aucun cas être mise en cause
dans ce qui s'est passé. Le phénomène est
totalement logique et naturel et la qualité de fabrication
de ces gants n'est absolument pas à mettre en doute.
PL Lamballais