Les vidéos tournées en Suède et montrant
des attaques, des passages en caissons etc.. sont nombreuses.
Sur la majorité de ces vidéos, les sapeurs-pompiers
utilisent des lances assez particulières, dont quelques
exemplaires ont été diffusés dans quelques
pays Européens, mais n'ont jamais vraiment été
utilisés. Nous allons donc tenter une petite découverte
de cette lance, la TA Fogfighter.
L'histoire de cette lance est étroitement liée
à la Suède et aux caissons. Suite à des accidents
survenus dans ce pays, des analyses et des essais ont été
réalisés en utilisant des caissons maritimes. Rapidement
il s'est avéré que c'est l'usage du jet diffusé
qui permettait de lutter contre les gaz surchauffés, source
principale de danger.
Outre les caissons eux-mêmes, il est donc devenu évident
qu'il fallait à la fois des lances mais aussi des ouvrages
de références. C'est ce qui s'est passé dés
1978, avec la parution de l'ouvrage "Fundamentals of Fire".
Ecrit entre autres par Krister Giselsson, cet ouvrage est devenu
l'ouvrage de référence pour les écoles suédoises,
dont certaines continuent à s'en servir. Cet ouvrage a
été peu diffusé hors de Suède pour
trois raisons essentielles, relevé entre autre par Chitty
("Survey of a Backdraught"):
1 - Il contient quelques affirmations peu crédibles
et non validées scientifiquement
2 - Les termes utilisés pour décrire les
phénomènes, ne sont pas reconnus internationalement.
Ainsi, tout est pratiquement décrit sous le terme "flashover"
avec des variantes qui sont assez embrouillées
3 - Les méthodes d'attaques, de protection etc...
sont "trop" adaptées à la lance TA Fogfighter.
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Cet ouvrage est en effet édité par la société
Girobrand (http://www.girobrand.se)
et cette société commercialise également
la lance TA Fogfighter dont le créateur est... Krister
Giselsson! La boucle est donc bouclée: l'éditeur
du livre vend la lance préconisée et inventé
par son auteur. Logique.
Lance TA Fogfighter (Modèle 100-300). Ecole du Feu
de Jurbise (Province de Hainaut - Belgique)
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Aspect général
La lance TA Fogfighter est de couleur orange. Elle est disponible
en deux modèles: l'un avec une poignée "pistolet"
pour la tenir, l'autre sans poignée. C'est ce dernier modèle
qui est présenté ici, et qui semble le plus répandu
en Suède. Pour tenir la lance, il faut donc avoir une main
sur le levier d'ouverture et l'autre sur la tête de diffusion.
Celle-ci est assez allongée et d'un diamètre assez
petit pour pouvoir être tenue même avec des mains
de petite taille, gantées.
La tête de diffusion fonctionne de la façon habituelle:
je tourne à droite, j'ai un jet droit, donc tout à
gauche, j'ai un jet de protection.
La lance est assez lourde et surtout, très longue. Nous
notons que sur certaines vidéos, lorsque le changement
de forme du jet n'est pas nécessaire, le porte-lance tiens
souvent sa lance par la partie cylindrique, située avant
le levier. Cette manière de tenir la lance est assez confortable.
A noter cependant que l'absence de "poignée pistolet"
impose un mode de tenue assez particulier. Ainsi, pour les droitiers,
il est parfois plus pratique d'avoir le tuyau à gauche:
la lance est donc tenue à droite (main droite sur la tête
de diffusion, main gauche sur le levier), avec le tuyau sous le
bras gauche, ce qui est un peu inhabituel.
Sur les modèles trouvés en Belgique ou en France,
le raccord est un DSP-40, classique.
Les dents de la tête de diffusion
Les dents sont en plastiques. C'est une couronne rotative
entraînée par l'eau sous pression. Nous sommes donc
en présence d'une lance dite "à turbine".
Au centre, une sorte de petit cylindre noir sert de clapet pour
l'éclatement des gouttes. Il ne bouge pas car le réglage
du débit se réalise au levier (ce clapet bouge
sur les lances à réglage de débit à
la bague). Les dents sont également de couleur orange. |
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Le réglage de débit
Le débit se règle au levier mais d'une façon
assez particulière. Dans l'état actuel des technologies,
nous avons principalement deux types de lances: les lances dont
le débit se règle avec une bague qui déplace
un clapet (Akron, POK...) et les lances avec un boisseau coulissant
(TFT). La Fogfighter fait partie d'un troisième catégorie:
celle des lances avec un boisseau à multiple perçage.
Lorsque le levier est rabattu en avant, la lance est fermée
Lorsqu'on le tire, la lance s'ouvre à petit débit.
Au 2/3 de la course, une butée très nette bloque
le levier. Il faut alors tirer fortement pour ouvrir complètement
la lance et atteindre le gros débit.
En effet, il n'y a que 2 débits: 100 et 300 sur les modèles
les plus courants, 175 et 475 sur les autres. Dans la grande majorité
des cas c'est le modèle 100-300 qui est utilisé:
le petit débit est logiquement utilisé pour les
impulsions, le gros débit servant pour le repli ou la protection.
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De gauche à droite, position fermée,
position petit débit, position gros débit.Malgrès
les apparences la vue du boisseau, à gauche, le montre
bien en position "lance fermée". |
La purge
La purge de la lance se fait en tournant la tête de diffusion.
Mais cette purge ne peut pas être faite par erreur car la
rotation est très difficile à réaliser. En
plus, la lance a la particularité de se fermer toute seule.
Imaginons que nous ayons une lance ouverte et que la pression
chute. La lance va se fermer et l'eau ne va plus s'écouler.
Le tuyau va donc rester sous pression ou du moins, en eau. Il
suffit de fermer la lance, de remettre la pression et d'ouvrir,
sans avoir besoin de vérifier car l'eau est immédiatement
disponible.
Les impulsions
Les Suédois utilisent les impulsions pour refroidir les
gaz chauds et sur certaines vidéos, celles-ci sont données
avec un rythme impressionnant. Sur une lance de type POK, Akron
etc... obtenir une telle vitesse est quasi impossible. Par contre,
sur une TA Fogfighter c'est au contraire très facile, pour
trois raisons :
- La forme du levier. En position fermée il est couché
sur la lance ce qui fait que la fermeture donne à la main
une position très naturelle
- La course du levier qui, sur 2/3 environ correspond au premier
débit
- Le fait qu'entre le petit et le gros débit il y ait
une butée très nette
Ce dernier point est un atout majeur: sur les lances à
boisseau coulissant, les crans entre les débits, sont minimes.
En donnant des coups secs, le porte lance n'a donc pratiquement
aucun repère et à beaucoup de mal à doser
son débit, celui-ci va donc varier suivant les impulsions
qui seront donc difficile à contrôler. Sur la TA
Fogfighter, la butée est tellement bien marquée
que le geste naturel est d'ouvrir jusqu'à celle-ci. Les
impulsions en petit débit (ce qui est logique avec les
fumées) sont donc faciles à réaliser avec
cette lance. Globalement les gouttes sont d'un diamètre
assez petit, la turbine réalisant un bon travail pour la
qualité du pulvérisé.
Le "Shark"
Le "Shark" est une méthode parfois utilisée
pour avancer (donc pendant la progression) mais surtout utilisée
en cas de repli. La lance est ouverte en jet étroit vers
le foyer, puis sans fermer la lance, le porte lance ouvre l'angle
du jet tout en remontant la lance vers le plafond en augmentant
le débit. Rendu au plafond, il est donc protégé
par un jet diffusé de protection, et il ferme alors sa
lance. Le but est d'envoyer rapidement de l'eau au foyer, pour
calmer celui-ci et pouvoir se sauver. Mais en visant directement
le foyer, cela envoi du comburant et provoque souvent une augmentation
du volume de flammes au plafond. En remontant la lance et en se
mettant en "protection" le porte lance se protége
de cet afflux thermique.
Tourner à la fois la tête de diffusion, relever la
lance et changer de débit est quasiment impossible sur
une lance "classique". Sur la TA Fogfighter, rien de
plus simple puisqu'elle est tenue traditionnellement par la tête.
En plus, la forme du levier fait qu'en tirant celui-ci, il est
facile de le faire pivoter sur le côté et d'entraîner
ainsi la rotation de la tête de diffusion. A ceci s'ajoute
une particularité: lorsque le jet est réglé
en diffusé et que l'on bascule partiellement le levier
de la lance (donc environ dans la 1/2 ouverture du petit débit),
il s'avère que le jet reste assez étroit. En clair,
sans tourner la tête de diffusion, mais seulement en basculant
progressivement le levier, il est possible de changer l'angle
de la lance, celui-ci s'ouvrant progressivement.
Nous avons donc ici une technique de lance, utilisée en
Suède et dans quelques pays Scandinave, enseignée
entre autre en Hollande et dans la zone Flamandes de la Belgique,
mais qui ne peut être utilisé avec facilité
qu'avec cette lance.
Conclusion
C'est une lance très particulière, qui mérite
une attention toute particulière. Elle démontre
que le porte lance doit s'entraîner car pensez se débrouiller
avec cet outil sans pratique, est utopique.
Le fait que cette lance ne soit pas très utilisée
vient sans doute du fait qu'elle a été proposée
aux services incendie bien avant que ceux-ci ne prennent conscience
de l'intérêt des impulsions en jet diffusé.
Lorsqu'ils ont pris un peu conscience de cela, les autres fabricants
avaient créé leurs modèles et cette lance
n'a pas réussi à prendre la part commerciale qu'elle
méritait amplement.
En France, cette lance semble être distribuée par
la société Eau et Feu (http://www.eauetfeu.fr).
Merci à Erik ETIENNE pour la vidéo sur le
Shark et au SRI La Louvière pour la lance