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Pédagogie et formation

Travailler en petit débit avec une lance gros débit
- Paru le 19/04/2008
- Déjà lu 19697 fois.

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Tactique et Pratique bulletArticle: Tactique (I)


Depuis la parution du document «Approche tactique des feux de locaux», de nombreuses discussions ont eu lieu sur le forum, au sujet de la tactique à appliquer, face à une structure en feu ou supposée l'être. Il est clair que le sujet mérite une refonte de nombreuses méthodologies. En effet, peu importe la nationalité des intervenants du forum, tout le monde est au moins d'accord sur une chose : il y a absence quasi-totale d'apprentissage tactique, quelle que soit la formation et quel que soit le pays.
Afin que chacun puisse apporter sa pierre à l'édifice, ce n'est donc pas un document «monolithique» ou un article unique qui seront consacrés à ce sujet, mais une série d'articles. A chaque fois, vous êtes invités à faire part de vos remarques en commentant l'article, ou mieux, en en discutant dans le forum, puisqu'un sujet sera ouvert pour chaque article.

Le sujet
Le sujet concerne la tactique, telle qu'elle est définie dans l'article «Stratégie, tactique et société». Nous rappelons cette définition :

Tactique: Art de combiner tous les moyens militaires (troupes, armements) au combat. Exécution locale, adaptée aux circonstances, des plans de la stratégie.

Dans notre cas, nous nous intéressons aux premiers intervenants car c'est ce point qui, de l'avis de tous, est le plus mal envisagé actuellement. La montée en puissance, avec poste de commandement, renforts matériels et humains, est globalement au point, ou du moins devrait l'être car la littérature ne manque pas sur ce sujet. En tout cas, ce n'est pas ce sujet qui nous préoccupe ici.

La définition, pour qui ?
Notre propos concerne le premier engin incendie qui se présente sur les lieux. Conformément à la définition de la tactique, le chef du premier engin doit «combiner les moyens» et pour cela il doit donc les connaître. Et cette connaissance ne doit pas être partielle ! D'autant que cette «combinaison des moyens» se fait «au combat» donc avec une activité rapide et évolutive. Nous retrouvons ici les grands principes de l'ouvrage du Comte Jacques de Guibert, «Essai Général de Tactique», qui prône une attitude évolutive. Il en est de même avec l'ouvrage de Rommel ou celui de Guderian : des outils, des plans, doivent être préparés afin de gagner en réactivité, mais le système doit être évolutif.
En incendie, nous constatons que trop souvent la préparation n'est pas réalisée, dans le sens où il n'y a pas de pré-calcul. Nous constatons également que les choix, une fois établis, sont rarement modifiés.

La définition nous indique également que la tactique est «locale», qu'elle va dépendre de la stratégie et qu'elle est adaptée aux circonstances.
A partir du moment où nous aurons des plans tactiques bien définis, nous pourrons également agir sur la stratégie donc sur la définition globale des moyens. Pour mettre en ?uvre une tactique, je dois connaître mes moyens. Si la mise en place tactique est difficile car les moyens me manquent ou ne sont pas adaptés, je peux faire remonter l'information au niveau «stratégique».

Le parallèle avec le secourisme

A partir des actions du premier engin, tout va s'enchaîner, convenablement ou non. Nous avons un parallèle facile à faire, avec le secourisme. Sur un accident de grande ampleur, Le rôle du premier véhicule est primordial: il va compter les victimes, faire un tri sommaire  et demander des renforts qui vont être dimensionnés en fonction des informations. Imaginons une équipe de secourisme qui se trouve face à 15 victimes et qui ne s'occupe que d'une seule, en passant des messages sur l'état de santé de cette personne, mais sans s'occuper des autres ! «Puis-je agir seul» et «que dois-je faire» sont des notions assez basiques en secourisme, mais pas en incendie.

Il est vrai que l'analyse d'une victime, donc d'une «chose» de dimensions assez réduites, de forme et de composition constante, peut se faire de façon assez simple : au départ prise immédiate du pouls (tout le monde en a potentiellement un et les points de prises ne sont pas innombrables) avec les différentes «options» (filant, bien frappé?), prise de la ventilation avec les différentes «options» (bruyante, régulière ou non?). 

Vient ensuite le bilan lésionnel consistant à palper les différentes parties du corps. Or, tout le monde a le même nombre de bras et de jambes, placés aux mêmes endroits.

Même si la «définition graphique» d'une victime est très simple (dessin d'une silhouette par exemple), une observation d'équipe en exercice, en examen ou en intervention, montre quand même (parfois) des erreurs intéressantes qui se retrouvent en incendie.

Lorsque les membres de l'équipe sont habitués à travailler ensemble, le «chef» ne donne pratiquement pas d'ordre et tout le monde fait son travail en harmonie avec les autres. Comme un petit orchestre qui n'a plus besoin de chef puisque sa cohésion est établie.
Tact_2

Dans le cas contraire, il y a deux possibilités : soit le chef est très directif («Toi tu prends le pouls, toi tu prends la ventilation»), soit il ne l'est pas.  Le cas du chef «directif» va dépendre de son charisme et du niveau des intervenants. Si le chef est reconnu comme compétent et qu'il est obéi, tout se passera bien. Les intervenants récupéreront les informations, les transmettront au chef qui pourra faire un bilan avec des informations correctes.
Dans le cas d'un chef non-directif avec une équipe peu homogène, nous assistons à des problèmes récurrents: par exemple deux personnes prennent le pouls, mais personne ne prend la ventilation. De même, dans le bilan lésionnel, tout le monde essaye de bien faire, et la victime ne sait plus quoi répondre à la question «Et là, ça vous fait mal ?» pour la bonne et simple raison qu'elle est palpée de partout à la fois ! Le grand classique étant que l'on palpe une jambe deux fois, mais qu'on oublie l'autre jambe?
Pour l'incendie, nous pouvons déjà dire que la «reconnaissance» devra donc suivre un ordre pré-établi, afin de ne pas avoir redondance de certaines informations et oubli d'autres. C'est d'autant plus nécessaire qu'en incendie, contrairement au secourisme, la surface à parcourir est nettement plus grande : en secourisme, tout le monde est autour de la victime et il est assez facile de dialoguer. En incendie, c'est beaucoup plus difficile.

Evolution des bilans
Le paramètre «évolution» cité dans la définition de la tactique, est également très important. En secourisme, un premier bilan est réalisé au début. Une fois la victime conditionnée (brancard par exemple), il est d'usage de refaire un nouveau bilan. Or, ce bilan «évolutif» n'est utile que pour deux raisons :

?    Il y a eu un premier bilan
?    Les résultats du premier bilan ont été notés

En effet, trouver un pouls «filant» à 120 n'est pas forcément «gênant» pour l'évolution «tactique», sauf si c'est la seconde fois qu'on le prend et que la première fois il avait été trouvé à 80 «bien frappé». En clair, le secouriste ré-analyse la situation en notant à chaque fois les résultats et en faisant des comparaisons. Et il ne peut faire des comparaisons que parce qu'il a noté quelque chose sur sa fiche «bilan». Ne pas noter, c'est oublier et c'est rendre impossible toute comparaison

Nous notons également que pour le secouriste, les paramètres à mesurer sont connus à l'avance mais qu'en plus chaque paramètre est associé à des pré-réponses précises, ou alors à une valeur numérique qu'il devra noter. Hors de question d'avoir un pouls «rapide», «pas trop rapide»,  «pas très très rapide». En secourisme, cela n'existe pas ! Pour le pouls, le fiche bilan demande une fréquence dont l'unité est précisée. Pour les éléments non chiffrables, une liste de case à cocher est généralement mise à disposition. Cela peut sembler limitatif, mais cette «limitation» de quelques choix, est largement compensée par le fait que tout le monde utilise le même vocabulaire et que les informations ne sont pas oubliées.

L'extrait ci-contre montre la partie d'une fiche bilan de la Protection Civile, avec la zone sur les fonctions nerveuses. Les choix sont prévus et la perte de connaissance doit être assortie d'une durée.
Il ne s'agit pas ici d'avoir une durée très «juste», mais au moins d'avoir une information que l'on peut noter. Même en terme d'écoute des témoins, ce point est important : il est possible d'avoir une personne qui va dire «cela fait 5 minutes qu'il est inconscient». Si quelques instants plus tard un autre témoin donne une autre version, le secouriste pourra comparer et demander des précisions aux témoins pour affiner son bilan, donc en quelque sorte, sa reconnaissance.
Tact_1

En secourisme, nous avons donc bien une approche tactique : le matériel est connu et la victime est analysée d'après un protocole précis. Ce protocole d'analyse donne des résultats qui sont notés. La tactique est alors définie et ce choix est très simple : oxygène, brancardage, point de compression, atèle etc? Pour le non-initié, les choix semblent innombrables. Mais dans la réalité, nous savons tous qu'ils sont globalement très restreints. Une fois les actions choisies elles se mettent en place rapidement, afin d'obtenir le but recherché : «Nous allons placer un collier cervical, placer une attelle de jambe, puis nous allons brancarder». La suite des événements donc le choix tactique, est clairement explicité par le chef. L'équipe sait quoi faire et elle sait dans quel but. Une fois cette première action terminée, un nouveau bilan sera réalisé. Il va permettre d'obtenir de nouvelles informations qui seront comparées aux premières. C'est cette comparaison qui permettra de définir la suite des actions soit en fonction d'une situation qui est désormais stable, soit en fonction d'une dégradation de cette situation.

Changer de tactique
En secourisme, rien n'est jamais joué et les changements de tactiques peuvent et doivent s'enchaîner rapidement. La perte de conscience d'une victime engendre immédiatement l'arrêt des opérations en cours au profit d'une vérification rapide de l'activité cardiaque et de la mise en place d'une nouvelle tactique. En fait, le secouriste a bel et bien en main une sorte de jeu de cartes, avec des actions précises. Il analyse suivant une grille pré-établie, rempli cette grille avec des valeurs précises puis prend la carte qui correspond. En cours de route, il recommence la même opération d'analyse, sur le même modèle, puis retire éventuellement une carte, dans le même jeu.

Dans ce principe, deux points sont à noter. Tout d'abord, le second bilan est identique au premier. Ce sont les mêmes paramètres qui sont mesurés. Ce qui est d'ailleurs logique: si pour le premier bilan, nous prenons le pouls et pour le second, nous prenons la ventilation, il n'y a pas de comparaison possible. Il faut donc «refaire» le bilan de façon identique. C'est d'ailleurs ce que nous entendons dire : «Tu me reprends le pouls et la ventilation».

Le second point c'est que l'action choisie est prise dans le même «jeu de carte»: si à l'arrivée des secours, la victime est inconsciente et respire, elle sera placée sur le côté. Il y a donc bien constatation, analyse et choix de l'action. Mais si cette inconscience survient alors que les secouristes sont là depuis plusieurs minutes, alors qu'ils sont par exemple en train de poser une atèle, le déroulement sera le même: constatations, analyse et choix. Or, l'analyse sera la même quel que soit le moment de survenue de l'événement et l'action sera exactement la même.

Nous avons donc une grille associée à un jeu de cartes «action» et un usage cyclique de cet ensemble, jusqu'à la prise en charge médicale. La réussite de l'action entreprise est mesurée en réutilisant la même grille d'analyse et le changement de tactique est dicté également par cette évolution, si celle-ci démontre une évolution plus ou moins bonne de la situation.

Avec ce système de grille, nous voyons aussi que les changements de tactique sont très rapides. En quelques secondes, l'équipe peut arrêter l'immobilisation d'un membre pour partir dans la direction d'une défibrillation.

Les mesures et les éléments

Une lecture attentive de la grille d'analyse des secouristes nous montre également que les points à mesurer sont peu nombreux, et en tout cas, que tout n'est pas à mesurer. Ainsi la respiration, est définie comme «ample» alors qu'il serait possible de mesurer, en centimètres, le déplacement abdominal. Mais cette information très précise, serait difficile à obtenir et n'apporterait rien de plus. C'est ce qui explique que seule une information de type «amplitude» est notée. Par contre, pour le c?ur, la fréquence est facile à mesurer et va donner une information précise. C'est donc la fréquence qui devra être notée.
Il y a donc détermination d'une liste de points à analyser, un rangement de ces points en catégorie, et une priorité donnée à telle catégorie par rapport à telle autre. De plus chaque point fait l'objet d'une définition précise, de valeurs et de type de réponses possibles, en fonction de la facilité de prélèvement de ces informations et de l'intérêt de leurs valeurs.

Conclusion

La première remarque qui va venir est certainement de dire qu'en incendie «c'est pas pareil». Pourtant nous constatons que ça y ressemble beaucoup. Bien sûr, nous pouvons dire qu'une maison est plus grande qu'un être humain. Mais en même temps, force est de constater que les «options» relatives à une maison ne sont pas plus nombreuses que celles relatives à un corps humain.

Le travail va donc consister à lister les points définissant une maison, comme ceux définissant un corps humain. Il faudra ensuite, pour chaque point, établir une définition précise et des valeurs de réponses. En comparant ces valeurs avec le potentiel de l'engin incendie, nous déterminerons les choix.

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Re: Tactique (I) (Score: 1)
par fireball le 01 février 2009 à 23:01:15
(Profil Utilisateur | Envoyer un message)
cet article est judicieusement présenté avec la comparaison du secourisme.le lecteur,meme civil(e) comprend très vite le besoin de posséder une tactique ou plutot un éventail de tactiques qui puissent évoluer au fil de l'incendie.

bonne approche du problème.


 
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