L'usage de l'informatique pour simuler les incendies est désormais
à la portée de tous avec des logiciels puissants
et surtout, gratuits ! Nous allons donc apprendre à nous
en servir, au travers d'une série de cours, dont la parution
sera (si tout va bien !) bi-mensuelle. A raison d'un cours tous
les 15 jours, cela vous laisse le temps de tester, d'expérimenter,
et cela me laisse aussi le temps de préparer le cours suivant!
A vos claviers!
La modélisation, qu'est ce que c'est ?
Depuis que le site existe, nous nous penchons sur les phénomènes
et nous vous avons montré que ces phénomènes
étaient explicables de façon très simple.
Ils ne sont que le résultat du déplacement des fumées
issues de la combustion, fumées qui se trouvent piégées
au plafond etc... Or, la combustion est une réaction chimique
relativement bien connue. La communauté scientifique sait
que la combustion de telle matière dégage telle
énergie et telle quantité de fumée etc...
Il est donc possible de réaliser un calcul qui permettra
de connaître, pour chaque particule de fumée émise
par un incendie, son trajet en fonction de sa température,
des courants d'air etc...
Bien sûr, calculer cela à la main, avec un papier
et un crayon, est pratiquement impossible non pas à cause
de la complexité mais à cause de la quantité
d'information à traiter. Avec un ordinateur cela devient
possible, d'autant plus que la puissance des machines augmente
en permanence.
Avec les interfaces graphiques (Windows, Mac OS, X11) plutôt
que de voir les résultats d'un calcul sous forme de colonnes
de chiffres, il devient possible de faire de jolis dessins! Il
est alors envisageable de déterminer les dimensions d'un
local, de placer un point de feu et de lancer un programme qui
calculera le déplacement des fumées, la température
du sol, du plafond, des murs et qui, en sortie, montrera tout
cela sous forme graphique, avec une représentation en 3
dimensions et des animations.
Pour faire tout cela, il faut un outil informatique, un logiciel
qui va accepter toutes les informations comme paramètres
d'entrée, et qui donnera en sortie le résultat escompté.
Aux Etats-Unis, la culture du partage des outils est totalement
entrée dans les moeurs. Le NIST (National Institute of
Science and Technology) bien connu pour ses vidéos d'incendie,
n'est pas en reste. Le NIST a ainsi réalisé plusieurs
outils de modélisation, totalement gratuits et disponibles
en téléchargement sur leur site.
Nous en utiliserons deux: FDS (Fire Dynamics Simulator)
et Smokeview.
Pour quoi faire ?
Des outils tels que FDS et Smokeview s'avèrent capables
de modéliser des locaux très divers: de la simple
boîte cubique aux immeubles avec étages, de la maison
complexe avec mezzanine aux cuves d'essences. Il est possible
de placer des détecteurs de fumées, des sprinklers,
de simuler des thermocouples et donc de prélever des températures.
Avec un minimum d'effort, il est possible de créer des
portes ou des fenêtres qui vont s'ouvrir au bout d'un certain
temps, d'en fermer d'autres, permettant ainsi de simuler un incendie
et de voir l'incidence d'une pénétration dans la
structure, le bris de vitre etc...
Il devient ainsi possible de refaire « virtuellement »
un incendie afin de comprendre ce qui s'est passé. Cela
devient alors un outil indispensable aux enquêteurs. Pour
la compréhension des phénomènes, l'outil
est également fabuleux: il est possible de modéliser
par exemple une mini-maison, ou un caisson flashover et de comprendre
ce qui s'y passera.
La fiabilité ?
Elle est certaine. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le
NIST n'est pas un groupement de bricoleurs. Ils ont validé
leurs outils par des comparaison entre des modélisations
et des essais grandeur réelle. Ils ont été
jusqu'à valider les possibilités de simulation de
la ventilation opérationnel avec FDS en arrivant à
la conclusion que les essais seraient désormais réalisés
de façon informatique, compte tenu du travail trop important
et du coût exorbitant des essais « réels ».
Mais trêve de bavardage, passons à l'acte !
Télécharger les outils !
Pour vous procurer ces outils, rien de plus simple. Rendez-vous
à l'adresse suivante: http://fire.nist.gov/fds4/download/ et cherchez
dans la section download (téléchargement) la version
correspondant à votre machine ou, plus simple, cliquez
sur ce lien http://fire.nist.gov/fds4/download/fdsall_407a.exe
et vous aurez directement un exécutable qui installe tout
(FDS et Smokeview). Les possesseurs de Macintosh peuvent mettre
un message dans le forum «Modélisation Informatique»
du site flashover.fr car pour leur machine, il y a quelques «
ruses »à connaître pour utiliser FDS et Smokeview.
Mais rassurez vous, ça marche très bien (je suis
sur un Mac !)
Comment ça fonctionne ?
En premier il faut réaliser un fichier texte, qui va contenir
tous les paramètres: descriptif du local, position du feu,
ouvrants etc... Ce fichier texte, vous pouvez le faire avec le
bloc-note Windows (sous Mac, vous pouvez utiliser BBEdit par exemple).
Une fois le fichier réalisé, vous lancez FDS en
lui fournissant ce fichier. FDS va alors travailler pendant une
durée plus ou moins longue, et en sortie il vous générera
tout un ensemble de fichiers. Pour l'instant, nous ne nous intéresserons
qu'à l'un deux, qui portera l'extension «smv».
Vous lancez ensuite Smokeview en lui fournissant ce fichier «smv».
Smokeview réalisera quelques traitements, puis vous affichera
le résultat sous forme 3D, avec une animation. Magique!
Notre premier fichier
A partir de là, les choses vont se gâter Le format
du fichier à passer à FDS n'est pas simple. Etant
donné que les paramètres sont nombreux, ce fichier
va devenir rapidement très complexe. Nous allons donc commencer
«petit», pour aller progressivement vers la complexité.
Pour ce premier cours, nous allons seulement construire une
maison avec 3 pièces.
Ouvrer votre éditeur de texte (bloc-note Windows par ex)
et taper les lignes suivantes:
&HEAD CHID='test',TITLE='Test pour flashover.fr'
/ Tous les fichiers seront nommés "test"
&GRID IBAR=20,JBAR=20,KBAR=20 / Nombre de cellules en x,
y, z
&PDIM XBAR=1.0,YBAR=1.0,ZBAR=1.0 / Dimensions en mètres
&TIME TWFIN=0.0 / Durée de la simulation |
Faites attention aux majuscules pour les «codes»
(HEAD, CHID, PDIM, XBAR etc) et aussi au fait que les décimaux
sont séparés par des point et pas des virgules:
«2 virgule 4» s'écrit donc 2.4 et pas 2,4 !
Les phrases commençant pas / sont des commentaires.
Vous pouvez en mettre autant que vous voulez, pour expliquer ce
que vous avez écrit, ou ne pas en mettre. Les possesseurs
de Macintosh remarqueront un détail: FDS ne semble pas
comprendre les fins de lignes créées par les Mac.
Il faut donc finir chaque ligne de code par le signe du commentaire
(« / »), sinon la ligne est considérée
comme non terminée et FDS rejette le fichier.
Voyons ce que nous avons écrit:
HEAD signifie « tête » c'est donc le début
(l'en-tête). Nous y trouvons le nom du fichier (paramètre
CHID). Dans cet exemple le fichier se nomme «test».
Sur votre disque, sauvez-le sous le nom «test.data».
FDS va se repérer sur le paramètre de CHID pour
nommer tous les fichiers qu'il va générer. Avec
CHID= 'test' le fichier pour Smokeview s'appellera « test.smv
».
La ligne suivante va définir le nombre de cellules.
En ce moment, vous êtes dans une pièce avec des murs,
un sol et un plafond. Elle constitue un seul gros volume. Pour
calculer les déplacement de chaleur, de fumée etc
il faut travailler avec des zones plus petites. Ces zones sont,
pour FDS, des petits cubes. Il vous suffit d'imaginer que la pièce
dans laquelle vous vous trouvez, est remplie de milliers de petits
cubes et vous aurez une idée de la manière dont
travaille FDS: il prend un cube, calcul sa température
et tout un tas d'autres choses, puis prend le cube suivant, fait
la même chose et ainsi de suite.
Avec IBAR=20, JBR=20 et KBAR=20 nous définissons le nombre
de cubes dans le sens des X, des Y et des Z. Nous en déduisons
qu'ici nous aurons certainement une pièce cubique puisque
nous avons le même nombre de cubes dans les trois directions.
Le code PDIM va permettre de donner les dimensions de la struture,
en mètres. Nous aurons ici un local cubique de 1m de côté.
Sur 1m nous avons 20 cubes donc chaque cube fait 5cm de côté.
Simple et logique !
Remarque
Plus le nombre de « cubes » est important, plus la
modélisation est précise. Mais en contrepartie,
il faudra une mémoire de travail beaucoup plus grande et
le temps de calcul sera beaucoup plus long. Dans notre exemple
nous avons 20x20x20= 8000 cubes. En doublant nous aurons 40x40x40
= 64000 cubes !
Pour vous donner une petite idée, la simulation avec la
maison, qui est sur la page FDS/Smokeview du NIST, posséde
180000 celules et a demandé 5 heures de calcul sur une
machine avec un processeur à 3.6 Ghz.
Le paramètre suivant, «TWFIN» de la ligne
«TIME», va indiquer la durée de la simulation.
En mettant 0, nous demandons à FDS de vérifier la
structure de notre local. Sous Smokeview nous aurons donc simplement
la vue 3D de notre construction. Dans notre cas, c'est tout ce
qui nous intéresse puisqu'il n'y a rien en mouvement dans
notre local !
Essayons !
Le fichier est sauvé ? Parfait.
Sous Windows, allez dans «Démarrer /Programme»
et cherchez l'utilitaire de ligne de commande. Avec la commande
«cd» placez-vous sur le répertoire où
vous avez sauvé le fichier « test.data ».Par
exemple s'il est dans un dossier nommé travail, tapez cd
travail.
Tapez ensuite: fds4 < test.data
Ceci dans le cas ou votre exécutable se nomme bien fds4
et votre fichier test.data
Si vous n'avez jamais utilisé de ligne de commande, ne
paniquez pas. Au départ vous allez sans doute avoir un
peu de mal à vous placer dans le bon répertoire,
mais c'est juste un coup à prendre.
Sous Mac, vous devez lancer «X», changer également
le répertoire avec « cd » puis lancer
FDS avec la commande suivante: ./fds4 < test.data
Attention auparavant, il faudra avoir réglé FDS
pour qu'il soit exécutable, avec la commande chmod +x
fds4
FDS a maintenant produit un fichier «test.smw».
Sous Windows, il suffit de double cliquer sur ce fichier pour
que cela lance Smokeview. Sur Mac, il faut taper la commande
pour Smokeview sous « X »: ./smokeview test.
Ne pas oublier le ./ devant le nom du programme et ne
pas mettre l'extension du fichier «smv»
Une fenêtre s'ouvre, et sous vos yeux émerveillés
apparaît... un cube! Avec la souris, vous pouvez le faire
tourner. En cliquant avec le bouton droit dans la fenêtre,
vous verrez apparaître un petit menu avec des petites options,
qu'il vous reste à essayer.
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Un local plus réaliste
Bon, un cube, c'est pas mal, mais pour simuler l'incendie du World
Trade Center, c'est un peu léger. Nous allons donc continuer.
Reprenons notre fichier «test.data» et modifions-le.
&HEAD CHID='test',TITLE='Test pour flashover.fr'
/ Tous les fichiers seront nommés "test"
&GRID IBAR=80,JBAR=40,KBAR=24 / Nombre de cellules en x,
y, z |
Nous allons lui indiquer que nous voulons 80 « cubes
» en X, 40 en Y et 24 en Z, et nous allons lui indiquer
que notre local fait 8m de large, 4 de profondeur et 2,40m de
haut. Nous aurons ainsi une maison rectangulaire. Sauvons le fichier,
relaçons FDS puis Smokeview. Nous obtenons le résultat
suivant:
Des murs
Pour FDS, les murs extérieurs sont définis par les
valeurs de PDIM. Par contre, les murs intérieurs ne sont
que des objets, des parallélépipèdes placés
dans la structure.
Un objet est défini par le code OBST (obstruction), puis
par les coordonnées de son coin inférieur gauche
et de son coin supérieur droit. Il y a donc 6 valeurs pour
chaque OBST. Ces valeurs sont dans l'ordre suivant: XB=X1,X2,Y1,Y2,Z1,Z2
Pour créer le premier mur nous ajoutons en fin de notre
fichier test.data, la ligne suivante:
&OBST XB= 2.8, 3.0, 0.0, 4.0, 0.0, 2.4,
RGB=0,1,1 / |
Le mur commence en X= 2,80m et fini en X= 3, il va donc avoir
une épaisseur de 20 cm. Il commence à Y = 0 et se
termine à Y=4 donc il va occuper toute la profondeur de
la maison. En hauteur, il commence à Z=0 et se termine
à Z=2.4 C'est donc un mur qui va du sol au plafond. Ce
sera le mur de gauche de notre couloir.
Le paramètre RGB (Red Green Blue donc Rouge Vert Bleu)
permet de régler la couleur de l'objet.
Le caractère « / » n'est obligatoire que sur
Mac ou bien si vous désirez mettre un commentaire à
la suite de cette ligne.
Remarque
Le nombre de cellules dans la simulation détermine aussi
la dimension de la plus petite entité. Dans notre cas,
nous avons 80 cellules pour 8 m donc chaque cellule est un cube
de 10 cm de côté. La dimension minimale pour les
éléments sera donc de 10cm.
Lançons à nouveau FDS puis Smokeview et nous
obtenons la maison avec un mur.
Pour finir
Voici le code complet du fichier test qui donne la maison avec
un couloir et un mur séparant la partie de droite en deux
comme ci-dessous:
&HEAD CHID='test',TITLE='Test pour flashover.fr' / Tous
les fichiers seront nommés "test"
&GRID IBAR=80,JBAR=40,KBAR=24 / Nombre de cellules en x,
y, z
&PDIM XBAR=8.0,YBAR=4.0,ZBAR=2.4 / Dimensions en mètres
&TIME TWFIN=0.0 / Durée de la simulation
/ Premier mur (côté gauche du couloir)
&OBST XB= 2.8, 3.0, 0.0, 4.0, 0.0, 2.4, RGB=0,1,1 /
/ Second mur (côté droit du couloir)
&OBST XB= 4.0, 4.2, 0.0, 4.0, 0.0, 2.4, RGB=0,0,1 /
/ Troisème mur (sépare la pièce de droite
en deux)
&OBST XB= 4.2, 8.0, 2.0, 2.2, 0.0, 2.4, RGB=1,0,1 /
|
Regardez bien ce code, étudiez le et conservez le. Faites
en une copie sur laquelle vous pouvez vous entraîner à
rajouter des murs, les déplacer etc... Comme vous vous
en doutez, le plus simple consiste à d'abord tracer les
murs sur une feuille de papier quadrillé, pour n'avoir
ensuite qu'à reporter les coordonnées dans votre
fichier. Si vous essayez «au pif», peut-être
y arriverez vous pendant un certains temps, mais dès que
nous commencerons à meubler les locaux, vous n'allez plus
vous en sortir.
Faites vous un petit classeur avec vos dessins, et imprimez vos
fichiers !
La prochaine fois
La prochaine fois, nous placerons quelques portes et nous verrons
comment les ouvrir et les fermer à volonté. Et nous
placerons également un canapé afin d'y mettre ultérieurement
le feu!
Et si vous avez des questions, le forum "Modélisation
informatique" est là pour ça!
Pierre-Louis Lamballais / pl.lamballais@flashover.fr