Comme souvent, ce n'est pas la réponse que
l'on fait à une question qui démontre si la
compréhension est bonne ou non. C'est plutôt l'attitude
générale. Concernant l'extinction, si nous demandons
"savez-vous ce que c'est?" tout le monde va répondre "Oui". Mais
face au feu, nous voyons des attitudes et des actions très
différentes, pour des résultats également
très différents, laissant penser que la réponse
affirmative cache en fait de grandes incompréhensions.
Nous
allons tenter d'expliquer les deux modes d'extinction utilisés
principalement en incendie, et nous allons ensuite mettre en pratique
cette connaissance en prenant comme exemple une vidéo,
diffusée sur internet et montrant un échec d'extinction.
La
définition de l'extinction est la suivante: Action
d'éteindre ou fait de s'éteindre. Bien. Mais
éteindre, que ce que c'est? La définition que l'on trouve
le plus souvent est simple: faire cesser de brûler.
Nous
avons donc une réaction chimique, que nous voyons sous forme de
lumière, que nous ressentons sous forme de chaleur et que nous
appelons le feu. L'action d'éteindre va donc consister à
arrêter cette réaction. Après l'extinction, il n'y
aura plus de lumière ni de chaleur. Il restera encore un peu de
chaleur résiduelle, émise par les éléments
qui ont brûlé, mais globalement plus de lumière et
plus de chaleur.
Le triangle du feuPour comprendre
comment éteindre, il suffit d'analyser le triangle du feu. Le
feu est une réaction qui a besoin de comburant (oxygène
de l'air) de combustible (le bois qui brûle par exemple) et
d'énergie. Au départ il faut amener de l'énergie
pour chauffer le bois afin que le carbone qu'il contient soit extrait
sous forme gazeuse. Car le feu est une réaction qui se fait avec
du gaz et pas avec des solides. La chaleur va extraire le carbone du
bois. Ce carbone va être émis sous forme de gaz de
pyrolyse (de couleur blanche) puis ces gaz vont se mélanger
à l'oxygène de l'air pour former un mélange
inflammable. Si l'énergie apportée est suffisante, elle
va provoquer l'inflammation de ce mélange. La réaction
qui s'en suit est une réaction exothermique, mot un peu savant
signifiant qu'elle produit de la chaleur. Cette chaleur va à son
tour chauffer le bois qui va émettre des gaz de pyrolyse qui
vont réagir avec l'oxygène de l'air et ainsi de suite. Le
feu s'entretient donc lui-même.
Deux manières d'éteindreCeci
étant posé, nous déduisons qu'il est possible
d'éteindre en agissant sur l'énergie (donc en
refroidissant) ou en privant le feu de comburant. Dans le cas d'un feu
d'habitation, difficile de retirer le combustible, d'autant que
déplacer un fauteuil en feu ne permet pas de l'éteindre.
Il
existe évidemment d'autres procédés d'extinction
avec des produits chimiques entravant la réaction (entre
autres), mais nous nous contenterons ici des procédés que
tout sapeur-pompier peut mettre en oeuvre avec le matériel
basique dont il dispose: une lance qui envoie de l'eau.
En
utilisant une lance à eau, nous pouvons éteindre
principalement de deux façons: par inertage ou par
refroidissement.
L'inertageC'est un
procédé d'extinction qui consiste à remplacer le
comburant par un gaz neutre. Par exemple en injectant de l'azote dans
un local. Avec une lance, nous pouvons réaliser ce genre de
chose en produisant de la vapeur. Pour cela il va falloir diriger le
jet d'eau vers les parois du local afin que cette eau, en touchant ces
parois surchauffées, produise une grande quantité de
vapeur qui va chasser le comburant et va en priver le feu, qui va donc
s'éteindre.
Cette méthode possède
évidemment des avantages mais aussi des inconvénients et
quelques particularités. L'avantage principal c'est qu'il n'est
pas nécessaire de voir le foyer. Il est possible d'envoyer de
l'eau en étant assez loin, en étant hors du local (dans
le couloir par exemple) ou même dehors.
Si nous utilisons
cette méthode en étant dans le local en feu, la vapeur
produite risquera de nous brûler. Dans ce cas, afin
d'éviter le retour de vapeur, il faut avoir une ouverture de
l'autre côté du foyer.
Cette méthode par
remplacement de l'oxygène, permet une extinction assez rapide,
de l'ordre d'une dizaine de secondes maximum. S'il faut plus de temps,
cela signifie que le débit de production de vapeur est trop
faible par rapport au débit de renouvellement de l'air. Avec une
lance réglée à 500lpm (135 GPM) en jet
diffusé (angle de 30 à 40°), la vapeur produire en 4
à 5 secondes suffit pour éteindre une pièce
quasiment embrasée sur une trentaine de mètres
carrés.
Si la pièce est plus grande, il conviendra
de resserrer un peu le jet pour gagner en portée, mais dans ce
cas, nous perdrons en surface de contact eau / murs et nous aurons donc
un moins bon rapport quantité d'eau envoyée / volume de
vapeur produit.
En tout état de cause, la durée
d'extinction est relativement courte. Si elle dure quelques secondes,
nous voyons en tout cas l'action de cette extinction. L'exemple le plus
simple de l'extinction par diminution de comburant, c'est l'extinction
de la bougie sur laquelle nous retournons un verre. Rapidement la
flamme baisse en intensité puis disparaît.
Notons
aussi que cette méthode (remplacement du comburant par la
vapeur) ne sera pas utilisable en plein air, puisque la vapeur s'en ira
dans l'atmosphère et que le comburant sera toujours
présent.
La solution serait alors d'utiliser un
système isolant le foyer, afin d'empêcher que l'air ne
l'atteigne. C'est ce qui peut se faire avec de la mousse ou en
recouvrant le foyer de sable par exemple. Dans ce cas, nous savons
également que le résultat est quasi-immédiat.
Le refroidissementAvec
une lance, il est possible de refroidir, en envoyant de l'eau. Au
contact de la chaleur, cette eau va monter en température puis
changer d'état (passage de l'état liquide à
l'état gazeux). Ces deux phénomènes (montée
en température et changement d'état) nécessitent
de l'énergie qui va donc être prélevée sur
la source de chaleur.
Or, l'énergie, c'est quelque chose qui
ne se conserve pas. Lorsque nous éteignons une lampe, la chaleur
et la lumière disparaissent tout de suite. Il en est de
même pour le feu: si nous jetons un verre d'eau sur une bougie,
la flamme disparaît immédiatement. Si nous avons un feu
sur une surface assez grande (le barbecue par exemple) et que nous
jetons un verre d'eau, nous constaterons que toute la zone
touchée par l'eau est éteinte, de façon
immédiate.
La reprise du feu sur cette zone, reprise qui va
se produire quelques secondes plus tard, provient du fait que la zone
non éteinte continue à produire de la chaleur. L'eau
s'étant évaporée, elle ne fait plus d'effet. La
zone en feu chauffe donc à nouveau la zone éteinte (qui
elle même est restée chaude) celle-ci reproduit des gaz de
pyrolyses qui s'enflamment.
Mais si nous envoyons de l'eau sur toute
la surface, tout sera éteint. Évidemment, le combustible
solide restera chaud et une fois l'eau évaporée, il
pourra à nouveau produire des gaz de pyrolyses qui pourront
reprendre feu. Mais si nous profitons de cette extinction pour
disperser le combustible solide ou le noyer afin de bien le refroidir,
nous éviterons cette reprise.
Quel débit?La
question du débit est une question d'apparence simple, mais en
fait extrêmement subtile. L'expérience montre qu'il suffit
d'un très petit débit pour éteindre une surface en
feu. Le problème se pose plutôt en terme de forme sous
laquelle l'eau est envoyée. Si vous envoyez un verre d'eau sur
un feu, celui-ci s'éteint (à nouveau l'exemple du
barbecue). Si maintenant, sur ce même feu, au même endroit,
vous envoyer 100 litres d'eau, vous obtiendrez le même effet. Car
une fois que c'est éteint... c'est éteint! Ce qu'il faut,
c'est augmenter le débit mais en même temps augmenter la
surface atteinte, afin de garder en fait le même rapport
débit / surface. Travailler en jet bâton avec un petit
débit, puis augmenter le débit tout en restant en jet
bâton, cela ne sert pas à grand choses. En augmentant le
débit il faut augmenter la surface, donc passer en jet
diffusé (ou au moins, déplacer le jet pour toucher
d'autres zones). Les choses se compliquent du fait que la portée
de la lance change avec l'angle du jet. En clair, si nous passons en
jet diffusé, nous augmentons la surface couverte, mais nous
diminuons la portée, ce qui n'est pas toujours souhaitable.
L'autre problème c'est celui de la reprise et du temps durant
lequel nous pouvons supporter la chaleur. Imaginons que nous soyons
face à une grande surface en feu. Nous avons à notre
disposition un tout petit tuyau d'arrosage de jardinier dont la
portée n'est que de quelques centimètres. Allons-nous
pouvoir tout éteindre? D'un point de vue théorique, oui:
il suffit d'arroser consciencieusement une zone de quelques
centimètres carrés pour l'éteindre. La surface en
feu, atteinte par l'eau, s'éteindra immédiatement, nous
pourrons alors la noyer pour éviter la reprise, puis passer
à la zone suivante et ainsi de suite.
Sauf que dans la
pratique, cela ne fonctionne pas: si la surface en feu est grande, cela
signifie que la puissance thermique dégagée est
importante et si nous arrosons centimètres carrés par
centimètres carrés, nous allons subir la chaleur du reste
de la surface pendant un temps très long, ce qui sera
insupportable. De plus, la première zone éteinte va
elle-même subir la chaleur de toute la surface encore en feu et
elle aura donc de forte chance de sécher, les gaz de pyrolyse
vont ré-apparaitre et elle va reprendre feu.
La solution
consiste donc à éteindre la surface entière, le
plus rapidement possible afin de n'avoir à souffrir de la
chaleur que pendant un temps très court. Même si tout
n'est pas parfaitement éteint, il sera possible d'avancer et de
finaliser l'extinction en noyant les points chauds. L'idéal est
alors d'envoyer de l'eau en jet un peu diffusé, en bougeant la
lance afin de couvrir le plus vite possible la surface en feu. Et pour
qu'il y ait assez d'eau par unité de surface, il faut un
débit important.
Ceci étant, nous voyons bien que
l'eau qui touche une zone va éteindre celle-ci. Mais ne va pas
éteindre la zone voisine. Nous en déduisons que si une
zone reste en feu, cela ne peut s'expliquer que par deux raisons:
- Nous envoyons l'agent extincteur à côté de cette zone
- L'agent extincteur n'est pas adapté: nous l'envoyons au bon endroit, mais il n'a pas d'effet.
Mais
en tout cas, si l'agent extincteur est le bon et que nous l'envoyons au
bon endroit, nous verrons l'effet de façon
quasi-immédiate.
Le temps et la réussiteCe
que nous devons retenir des deux descriptifs précédents,
ce ne sont pas les actions en elles-mêmes, mais le rapport de
temps entre les actions et le résultat de celles-ci. Prenons une
comparaison simple: vous voulez percer un trou dans un mur, chez vous,
pour fixer un tableau. Vous prenez donc une perceuse, une mèche
et vous commencez à percer. Si au bout de quelques secondes,
vous vous rendez compte que la mèche n'est pas entrée de
plus d'un millimètre dans le mur, allez-vous continuer à
forcer? certainement pas. Vous allez arrêter, regarder
l'état de la mèche, éventuellement la changer ou
déduire que le mur est trop résistant pour le
matériel dont vous disposez. Vous allez mettre en oeuvre une
action et vous allez juger de son efficacité par le rapport
temps - résultat. Il ne suffit donc pas de mettre en oeuvre une
action: encore faut-il savoir analyser le résultat, ce qui va
permettre de déterminer si cette action est efficace ou non.
Or,
c'est bien la connaissance de l'action qui peut permettre de
connaître le temps que celle-ci mettra à aboutir au
résultat. Si vous pensez que pour percer un trou dans un mur, il
faut 20 heures, vous allez évidemment insister pendant au moins
20 heures. Si vous savez que c'est l'affaire d'une minute, vous n'allez
pas passer 20 heures à tenter de percer, car au bout d'une
minute, vous commencerez à vous poser des questions!
En intervention..Regardons maintenant les quelques photos ci-dessous. Elles sont extraites d'une vidéo diffusée sur Youtube (
http://youtu.be/Sq6bAkSEoCE),
montrant une équipe de sapeurs-pompiers Américains en
train d'attaquer un feu de voiture. Rien de bien exceptionnel, sauf
qu'apparemment ce n'est pas une voiture fonctionnant avec l'essence
habituel...
La vidéo commence alors que les
sapeurs-pompiers sont déjà sur place et on
déjà commencé à arroser la voiture. Les 4
images ci-dessous sont extraites de la vidéo à 1, 10, 20
et 30 secondes. Nous constatons qu'il y a déjà 6
sapeurs-pompiers sur place et qu'au bout de 30 secondes, les actions
entreprises n'ont donné aucun effet.
Les
4 images ci-dessous sont prises à 55 secondes, 1 min 11, 1 min
40 et 1 min 50. Elles montrent là encore que les actions sont
sans effet. Mais elles montrent aussi que le personnel n'est
déjà plus dans une logique d'équipe globale, mais
que chacun y va de son action, indépendamment des autres.
Lorsqu'une action est entreprise et ne donne pas l'effet
escompté, cela engendre un surcroît de concentration de la
part de celui qui la réalise: il va insister et se couper
mentalement de son environnement pour se focaliser sur cette action.
Les
4 images suivantes montrent le résultat de cette concentration
des individus, qui leur fait oublier les autres travaillant autour
d'eux. Ces images sont prises entre 1min 51 et une minute 53. Sous la
voiture, le carburant à coulé et il est en feu. Le
sapeur-pompier de droite, utilisant la lance en jet bâton, se
concentre sur cette zone de feu et va essayer de l'éteindre. Il
va en fait pousser la nappe de combustible en feu vers son
collègue, situé à gauche du véhicule.
Dès que la nappe combustible sort au niveau de ce
sapeur-pompier, elle prend de l'ampleur et le met en danger. Il
réagit rapidement en la repoussant avec sa lance, puis s'adresse
à son collègue avec des gestes peu sympathiques, ce qui
se comprend parfaitement.
Tant
que les choses se déroulent comme prévu, le groupe est
soudé. Mais là, il y a une totale incompréhension
face à des flammes qui se déplacent, se reforment et
semblent se moquer des sapeurs-pompiers. La tension monte, au fur et
à mesure des efforts de chacun. Comme lorsque vous bricolez chez
vous, que cela ne se passe pas comme prévu et que l'on vient
vous demander quelque chose. Or, si pendant que l'on bricole, c'est
gênant, sur une intervention incendie, le fait de s'enfermer
mentalement dans une action inefficace, peut avoir des
conséquences dramatiques. Ainsi, le 10 juillet 1991, les
sapeurs-pompiers de Londres se sont trouvés sur le feu de
Gillender Street, dans une situation d'actions inefficaces. A chaque
fois que des moyens étaient mis en place, ils s'avéraient
insuffisants car la progression du feu avait toujours de l'avance sur
les moyens déployés. Le rapport indique qu'au sein du
personnel engagé, la tension est monté progressivement
jusqu'à arriver à une dissociation totale du groupe. Le
chef de ce groupe a alors tenté de lui redonner une
cohérence mais manager une équipe en perdition, face au
feu, n'est jamais aisé. Lorsqu'il a donné l'ordre de
repli, l'équipe n'était plus qu'un groupe de personnes,
sans lien entre elles. La confiance était rompue et deux des
sapeurs-pompiers ont alors pensé que la sortie n'était
pas dans la direction prise par leurs collègues. Ils sont donc
partis dans la direction opposée, se sont égarés
et sont décédés.
Le rapport précise que
les sapeurs-pompiers ont été appelés à
14H23 et que les corps des deux sapeurs-pompiers
décédés ont été retrouvés
à seulement 17H25, après des recherches qui ont
mobilisé plusieurs équipes. Aussi stupéfiant que
cela puisse paraître, l'enchaînement des actions
inefficaces, l'incompréhension, la tension dans le groupe, les
changements d'options, les entrées, les sorties, l'accident et la
recherche ont tellement focalisé l'attention de la
totalité du personnel qu'à 17H25 soit 3 heures
après l'alerte, le feu n'avait toujours pas été
attaqué!
A 2min 22 (ci-dessous à gauche) d'autres
moyens sont mis en oeuvre (extincteur) mais sans coordination. Le
groupe n'est plus solidaire: chacun prend une lance, essaye, la pose,
prend autre chose, essaye et ainsi de suite.
A 2min 30 (ci-dessous
à droite) il y a maintenant au moins 3 véhicules sur
place, donc un déploiement de moyens disproportionnés.
Mais en fin de compte, cela ne fait qu'ajouter des personnes qui vont,
l'une après l'autre tenter d'éteindre, en utilisant des
outils et des techniques qui ont déjà été
testés, sans succès. Que les outils soient
utilisés les uns après les autres, n'est en soit pas une
erreur, mais la dégradation du groupe fait qu'un outil,
totalement inefficace, sera ré-essayé quelques instant
plus tard, de la même manière, comme si, par miracle, il
pouvait redevenir efficace.
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Les
quatre images suivantes montrent à nouveau le danger des actions
inefficaces et la concentration que cela engendre de la part de ceux
qui insistent sur ces actions. Le carburant s'échappe et part
dans la rigole le long du trottoir. Voyant cela, le sapeur-pompier
donne un coup de lance pour éteindre ces flammes, mais il ne
fait que les repousser loin de lui. A peine a-t-il repoussé ces
flammes qu'il se remet à arroser le véhicule donc
à se focaliser sur l'action qu'il juge principale, sans se
rendre compte que la zone de flamme est revenue et que, du fait de la
pente de la rue, elle va descendre doucement au risque de propager le
feu beaucoup plus bas (il semble néanmoins qu'un petit barrage
ait été mis en place, mais que personne ne le surveille).
A
3min et 45 secondes (à gauche, ci-dessous), il y a utilisation
de mousse. Sur une surface aussi petite que le moteur de la voiture, il
va y avoir application de mousse pendant 20 secondes, sans aucun
résultat.
A 4min et 33 secondes (à droite
ci-dessous), l'application de mousse recommence. Cette fois la
lassitude se fait sentir. Une partie du personnel est parti, le
sapeur-pompier est à genou pendant que ses autres
collègues sont également à genou. A nouveau, il va
y avoir application de mousse pendant 20 secondes, sans aucun effet.
La
vidéo se termine à 5 min 30 secondes environ. Elle a
démarré alors que les sapeurs-pompiers étaient
déjà en train d'arroser, elle est coupée en
plusieurs endroits ce qui laisse penser que la durée totale est
supérieure et pourtant à la fin de la vidéo, la
voiture est toujours en feu!
Qu'en déduire?Que
ces sapeurs-pompiers ne savent pas éteindre? Ce serait une bien
mauvaise déduction. Ils savent éteindre et ils ont
certainement éteint un grand nombre de feux. Simplement, cette
vidéo démontre que s'ils savent éteindre, ils
n'ont pas compris le principe de l'extinction. Pourquoi? Parce que nous
voyons immédiatement l'effet d'une extinction et que là,
il ne se passe rien. Or, s'il ne se passe rien en 10 secondes, il ne se
passera rien de plus en 1 minute ou en 10. Comme nous l'avons
indiqué précédemment, s'il ne se passe rien "tout
de suite" c'est soit que l'on ne dépose pas l'agent extincteur
au bon endroit, soit que celui-ci n'est pas efficace.
Ici, nous
avons une action dont le fameux rapport temps / efficacité est
méconnu. Nous avons ici un bricoleur qui insiste pendant 20
heures sur sa perceuse alors que le mur est beaucoup trop solide pour
le matériel qu'il possède. Attention, cela ne veut pas
dire qu'il ne sait pas percer, car lorsqu'il se trouve face à un
mur "classique", il perce en quelques secondes. Mais lorsque les choses
ne se passent pas "comme d'habitude", son niveau de connaissance ne lui
offre qu'une possibilité: insister, alors même que cela ne
sert à rien.
Avec une connaissance plus précise du
phénomène d'extinction, les sapeurs-pompiers auraient
arrosé pendant une dizaine de secondes puis auraient
arrêté. Il aurait été chercher une lance
à mousse (par exemple), ils auraient arrosé 10 secondes,
constaté l'inefficacité et aurait arrêté.
Si, pris dans l'action, ils insistent, c'est à leur chef de les
rappeler à l'ordre en leur demandant d'arrêter, de se
poser et de réfléchir.
Ici, nous avons des moyens
humains et matériels coûteux pour la collectivité
et qui ne peuvent plus être engagés autre part. Nous avons
une équipe qui se désolidarise. Nous avons du personnel
qui ne comprend pas ce qui se passe. Et l'incompréhension est
source de doute, ce qui n'est pas bon pour la gestion de
l'équipe en situation de stress.
ConclusionComme
nous le voyons, ignorer ce qu'est réellement l'extinction peut
amener à des situations assez étonnantes. Nous sommes
face à un feu de voiture sans gravité, mais une telle
concentration de personnel sur un espace aussi petit pouvait laisser
courir le risque d'une propagation lointaine, avec cet
écoulement de carburant. Et dans un feu de local, la
concentration du personnel sur un point précis, sans
résultat valable, peut mettre en danger toute l'intervention.
Ceci
amène aussi à se poser des questions sur le
matériel proposé aux sapeurs-pompiers. Sachant qu'il
n'existe à ce jour aucun système d'extinction qui
pourrait, avec la même méthode et le même
réglage, servir à éteindre 100% des feux, nous
voyons que le problème qui se pose n'est pas celui de l'outil
mais celui de l'utilisation, de la capacité à juger de
l'efficacité et surtout à juger de l'inefficacité.
Paradoxalement,
ce n'est pas la qualité d'utilisation d'un outil qui fait la
différence, mais bien la capacité à
déterminer le plus rapidement possible que cet outil est
inadapté, ceci permettant alors de changer d'outil (ou de
méthode).
Une analyse de divers accidents survenus en
Europe et aux USA, confirme ce fait: dans la quasi-totalité des
cas, les sapeurs-pompiers ont insisté avec un outil
inadapté, sans avoir en fin de compte la connaissance
nécessaire pour en déterminer l'inefficacité.
Pire, si nous analysons le matériel disponible mais non
utilisé, nous constatons que dans tous les cas, il y avait dans
le camion tout ce qu'il fallait pour lutter efficacement!
L'extinction,
c'est un phénomène dont le résultat est
immédiatement visible. Si ce n'est pas le cas, c'est soit que
les moyens sont insuffisants, soit qu'ils ne sont pas correctement
appliqués. Il est alors ridicule (et dangereux!) d'insister. Il
faut plutôt réfléchir, changer de méthode,
d'outils ou les deux.